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Article15 juin 2020
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Enfants handicapés : « Un risque de déscolarisation existe »

Michel Caron, président de l’Association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie (Alefpa) et vice-président de Nexem, pilote un observatoire sur la reprise de la scolarisation des enfants handicapés accompagnés par des établissements médico-sociaux. Il nous livre les premiers résultats qu’il partage chaque semaine avec Sophie Cluzel.

Pourquoi avoir lancé ce questionnaire auprès des gestionnaires ?

Michel CaronLors des réunions hebdomadaires avec la secrétaire d’État pendant la crise, j’ai plaidé pour que soit examinée de près la reprise de la scolarisation et Sophie Cluzel m’a suggéré de réaliser ce travail. En quelques jours avec mes collaborateurs de l’Alefpa, nous avons rédigé un questionnaire que nous avons largement diffusé aux fédérations et associations gestionnaires. Toutes les semaines, nous produisons une synthèse qui est communiquée aux participants ainsi qu’au cabinet de la secrétaire d’État.

Qui sont les répondants ?

MCAu total, 196 structures ont répondu au moins une fois sur les quatre semaines, ce qui représente 5 % des établissements et services médico-sociaux (ESMS) publics et privés. Présents sur une soixantaine de départements, ils représentent une cinquantaine d’organismes gestionnaires, accompagnent plus de 15 000 enfants et offrent une grande diversité de services (internat, semi-internat, externat, accueil de jour ou accompagnement en milieu ordinaire…). C’est un échantillon modeste qui donne de premières indications à approfondir.

Quels sont les constats à ce stade ?

MCSemaine après semaine, on constate une légère augmentation du taux d’enfants accompagnés par les établissements et de retour à l’école (classe ordinaire ou unité d’enseignement) y compris à temps partiel. À domicile, les enfants concernés par une continuité pédagogique à temps complet sont plus nombreux.

Les réponses aux questions ouvertes mettent en lumière les initiatives remarquables des professionnels du médico-social dans ce cadre domiciliaire. Pendant le confinement et depuis le début du déconfinement progressif, d’importants efforts ont été faits pour équiper les familles en matériels numériques et déployer des méthodes et de nouveaux outils pour assurer cette continuité pédagogique. Les professionnels se sont révélés très créatifs pour élaborer de nouveaux supports éducatifs (visio, tutoriels…) et ont développé avec les parents une nouvelle relation de confiance.

Qu’en concluez-vous ?

MCCela montre que l’inclusion est une notion qui va au-delà de la seule présence de l’enfant à l’école ordinaire mais qu’elle comprend aussi la coopération entre la famille, les professionnels et les enseignants à la maison. L’accompagnement scolaire à domicile a progressé en coconstruction avec les parents, le médico-social et l’Éducation nationale. Il faut tirer les enseignements et approfondir ce mouvement !

Comment ?

MCEn encourageant les professionnels à s’organiser comme ils le souhaitent. Pendant la crise, les équipes se sont adaptées et n’ont pas attendu d’avoir des directives pour prendre des initiatives. Les pouvoirs publics doivent maintenant apprécier cette richesse, la sauvegarder en accordant davantage de souplesse aux professionnels. C’est tout l’enjeu de la convention d’engagements réciproques signés entre les associations, l’État et l’Assemblée des départements de France (ADF) lors de la Conférence nationale du handicap de février dernier.

Un certain nombre de jeunes sont néanmoins en rupture pédagogique…

MCUn tiers des gestionnaires disent avoir identifié des enfants ou adolescents maintenus au domicile sans garantie de continuité pédagogique. Un risque de déscolarisation existe malgré le fait que ces situations soient repérées. Ma crainte est que cette rupture avec le système scolaire s’accompagne d’une rupture sociale et, in fine, d’un isolement de ces jeunes.

Les gestionnaires pointent le manque d’AESH…

MCLeurs inquiétudes portent sur l’absence et la faible mobilisation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) pour accompagner ce retour à l’école. Par ailleurs, les résultats montrent que les directeurs ne se sont pas appuyés sur les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) pour préparer cette rentrée. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque ce sont des dispositifs récents et en nombre limité. Mais dans certains territoires, on constate aussi une bonne coopération entre le médico-social et l’Éducation nationale.

Qu’allez-vous faire de ces données ?

MCNous allons continuer à collecter les réponses jusqu’à la fin de l’année scolaire. Ensuite, je propose que dans la première quinzaine de juillet, tous les répondants soient réunis en visioconférence pour mettre en commun les résultats de cette observation et les points de vigilance. Ces éléments devront être croisés avec les travaux du Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui a lancé une enquête flash auprès des parents. Il faudra rassembler les bonnes pratiques et les innovations et en tirer des enseignements pour préparer la rentrée scolaire, en particulier sur la question des AESH.

Avez-vous d’ores et déjà des préconisations ?

MCCe travail de retours d’expériences que nous réalisons au niveau national doit se faire aussi au niveau local. Il est impératif de renforcer l’analyse partagée entre tous les acteurs chargés de contribuer à la réussite scolaire sur un territoire : les inspections académiques, les enseignants, le secteur médico-social, les parents, les collectivités territoriales. La coopération de ses acteurs doit être renforcée pour la réussite scolaire des enfants handicapés.

Vous craignez une rupture pendant l’été…

MCSi la scolarisation reprend progressivement, je suis inquiet pour la période des grandes vacances. La continuité pédagogique va s’arrêter début juillet. Il faut donc encourager les associations à prendre des initiatives pendant la période des vacances pour construire une offre spécifique.

NoémieCOLOMB
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