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Article27 mai 2020
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Une semaine sous pression dans l’aide sociale à l’enfance

Début avril, en plein confinement, la Drees a pu prendre le pouls des établissements de l'ASE et des services d'action éducative. Elle en tire une mesure précise des sous-effectifs et de la suractivité des "héros ignorés" de la protection de l'enfance.

Tenir bon, avec les enfants, jusqu’à la fin du confinement… Après deux premières semaines de réorganisations, pour cause d’écoles fermées et de collègues à remplacer, l’objectif était déjà à l’endurance, début avril, pour les professionnels de l’aide sociale à l’enfance (ASE). De cette épreuve inédite, il reste maintenant une photographie, que vient de remettre la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Le service interministériel a en effet pu réaliser une « enquête flash » sur la situation des établissements de l’ASE et des services d’action éducative, pendant la troisième semaine du confinement, du 30 mars au 5 avril - sans pouvoir enquêter, dans l'immédiat, sur les assistants familiaux. Et cet instantané révèle toute la pression subie par les professionnels restés en poste, ainsi que par les enfants protégés.

Deux établissements sur trois en sous-effectifs

En effet dès le lancement du confinement, le 17 mars, nombre de collègues se retrouvent eux-mêmes à devoir garder leurs propres enfants, sinon à affronter la maladie… D’où un complexe casse-tête des remplaçants à trouver, pour assurer, tant bien que mal, une poursuite de l’activité. La Drees peut maintenant mesurer l’ampleur du problème : en ce début avril, 65 % des établissements et 51 % des services rapportent encore une baisse de leurs effectifs… La décrue est même qualifiée de « forte » par 26 % des établissements - sans compter les lieux de vie.

Des enfants à garder

La raison le plus souvent évoquée est bel et bien la difficulté de faire garder les enfants - pour 76 % des établissements et même 85 % des services concernés. De fait, il a fallu attendre le 23 mars pour que les professionnels de la protection de l’enfance soient enfin rajoutés parmi les bénéficiaires des gardes, par l’Éducation nationale… Mais un autre motif est fréquemment rapporté : les arrêts maladies imprévus, sans lien avec le Covid-19 – pour 77 % des établissements et 48 % des services. Nombre de salariés, il est vrai, ont pu se faire arrêter par l’Assurance maladie pour pouvoir confiner en famille

Près de 4 % de prévalence

Mais en cette troisième semaine de confinement, bien sûr, certains personnels peuvent aussi manquer pour cause de Covid-19, suspecté ou avéré – précisément dans 70 % des établissements et 65 % des services touchés par une baisse d’effectifs. Au passage, la Drees peut livrer la prévalence de la maladie parmi ces personnels de l’aide sociale à l’enfance : le 5 avril au soir, 3,5 % des personnels sont ou semblent contaminés (contre 0,6 % des jeunes placés ou suivis). En revanche, les sous-effectifs ne s'expliquent que très rarement par un « droit de retrait » des salariés – mis à part dans les lieux de vie, qui sont 26 % à le mentionner.

Renforts extérieurs

Au moins cette pénurie de personnels est-elle compensée par quelques renforts extérieurs, du moins dans les Mecs, foyers, pouponnières ou villages d'enfants. En ce début avril, 48 % de ces établissements bénéficient d’une réaffectation de personnels – venus de la prévention spécialisée ou de services pour enfants handicapés, par exemple. En outre, ils sont 38 % à avoir « effectué une démarche pour recevoir l’appui de nouveaux bénévoles », et déjà 27 % à en bénéficier – principalement d’étudiants en travail social ou de connaisseurs du secteur.

En suractivité

Mais malgré tous ces appuis, pour les personnels en poste, cette première semaine d’avril reste marquée par la suractivité. Très concrètement, dans 20 % des établissements, et 8 % des services, « une grande partie » de l’équipe doit « travailler plus qu’en temps normal ». Le surcroît d’activité concerne même « l’ensemble » des employés, dans 25 % des lieux de vie – aux effectifs généralement réduits. Dans ces différents types d’établissements, la suractivité se traduit, le plus souvent, par des heures supplémentaires (pour 92 %), mais aussi par des annulations de congés (pour 83 %).

Avec les parents

Et pour les enfants protégés eux-mêmes, les défis s’avèrent particuliers. Dans 25 % des établissements, et 30 % des services d’action éducative, certains jeunes ont dû quitter leur lieu de vie principal au cours de cette troisième semaine de confinement – que ce soit pour rejoindre leur famille, ou au contraire, pour en être préservé. Les relations avec les parents sont évidemment bouleversées : plus de quatre établissements sur cinq n’ont pu maintenir leurs droits de visite et d’hébergement. Certes, parmi les services d’action éducative, ils sont presque autant à assurer des visites à domicile – mais seulement pour « une petite partie des enfants » concernés.

Soutien scolaire

Enfin « la fermeture des établissements scolaires a contraint les professionnels de l’enfance à devoir assurer la mise à disposition des cours en ligne et le suivi pédagogique des jeunes », souligne l’auteure de l’étude, Elisa Abassi. Dans la moitié des établissements a ainsi pu être prodigué un soutien scolaire régulier, pour tous les enfants concernés. En revanche, le suivi des soins médicaux ou psychologiques, notamment pour les jeunes handicapés, s’avère très inégal en ce début avril – il est même mis entre parenthèses dans un quart des établissements. Enfin si les comportements hostiles, sinon violents, sont généralement « ni plus, ni moins fréquents », ils deviennent « un peu plus » courants dans près d’un quart des établissements.

Protections

Et pourtant, durant cette longue semaine sous pression, les équipements de protection ne sont même pas systématiques. Auprès d’enfants malades du Covid-19, par exemple, aucun masque n’est à disposition pour les personnels, dans 7 % des établissements et 5 % des services…

Héros ignorés

Adrien Taquet a déjà réagi à cette enquête, qu’il indique avoir lui-même demandée. Et le secrétaire d’État « tient à saluer la mobilisation des professionnels », notamment en termes de « temps de travail ». « Leur engagement, qui a permis la continuité de l’accompagnement et de la scolarisation de la très grande majorité de jeunes et d’enfants protégés sur la période évoquée, devra être pleinement reconnu par les départements. » Mais à notre connaissance, aucune prime n’a encore été annoncée pour ces « héros ignorés » de l’épidémie.

OlivierBONNIN
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