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Interview01 avril 2020
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« Compenser le confinement » dans les établissements pour enfants

Dans les hébergements de la protection de l’enfance, les équipes doivent désormais tenir le huis clos face au covid-19. Michel Brioul, psychologue clinicien en Mecs notamment, propose des issues pour chasser les angoisses et violences des jeunes.

Après deux semaines de confinement, la pression peut monter dans les établissements de la protection de l’enfance… Quelles soupapes de sécurité les professionnels peuvent-ils donc actionner ?

Michel Brioul Dans les maisons d’enfants à caractère social (Mecs) notamment, les jeunes se retrouvent aujourd’hui isolés, de leurs habitudes, de leurs copains, de leurs parents. Ils sont décontenancés, au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus de contenant. Il est donc utile de leur reconstruire des repères, et de réinstaurer des rythmes et des rites, pour les rassurer… Ce temps ne doit pas rester vide.

Quelle place laisser aux écrans ?

MB Le catastrophisme de la télévision face à l’épidémie peut effrayer les jeunes. Il est donc important de ne pas se laisser envahir par les informations, pour leur préférer des films ou des émissions de détente. Mais si les écrans, classiquement, nous paraissent envahissants, pour le coup, ils peuvent aussi constituer une ressource ! Les appels vidéo peuvent être essentiels pour des ados qui souffrent d’abandonnisme et manquent d’étayage parental. Et Skype ou encore Instagram sont à favoriser pour maintenir les liens, par exemple avec les copains du lycée.

Avez-vous d’autres suggestions contre l’angoisse du confinement ?

MB Il faut compenser ce confinement. J'invite à contrebalancer ces contraintes par des moments de plaisir - pourquoi pas à l’occasion du goûter par exemple…

Par ailleurs, l’angoisse naît du fantasme plus que de la réalité. Il est important que les adultes expliquent le réel, sans exagérer les risques, ni trop dédramatiser. Il ne faut pas laisser les jeunes construire leurs propres fantasmagories sur l’épidémie.

Mais comment leur parler de ce coronavirus ?

MB Le virus est une notion abstraite. Le présenter comme une « petite bête méchante » risque de renforcer encore les angoisses ! Mieux vaut donc parler de maladie, ce que les jeunes comprennent - et évoquer les traitements.

On peut également les responsabiliser pour la prévention. Plutôt que de présenter le confinement comme une condamnation ordonnée par le gouvernement, on peut en expliquer le sens et l’objectif. Les gestes barrières peuvent alors devenir un choix pour les enfants, et même un jeu. Dans les Mecs dans lesquelles j’interviens en Dordogne, cette responsabilisation fonctionne très bien, apparemment. On me signale même qu’il n’y a plus de fugue en ce moment ! Il est important que les jeunes pensent maîtriser la situation, plutôt que la subir.

Faut-il parler de la mort ?

MB Il ne faut en parler que si les jeunes y sont confrontés directement. Et dans ce cas, il faut être attentif aux cauchemars et aux signes de déséquilibrage, comme pour tout traumatisme.

Le confinement continu en établissement peut être aussi propice aux violences entre jeunes…

MB Habituellement j’invite à équilibrer la compréhension des violences et leur sanction [1]. Mais dans ce confinement en groupe, on peut avoir davantage de compréhension pour les jeunes !

Ceci étant, dans les trois Mecs avec lesquelles j’ai gardé le contact, on me rapporte que les violences sont devenues moins fréquentes. Il y aurait comme une solidarité dans le confinement. Je ne sais pas comment ça se passe ailleurs. Mais face au risque, il peut se créer une synergie communautaire, qui laisse de côté les revendications identitaires.    

Et les professionnels ? Où peuvent-ils donc trouver du soutien dans ce confinement, qu’ils peuvent affronter en sous-effectifs ?

MB Il faut souligner la conscience professionnelle des éducateurs spécialisés, qui restent pour la plupart à leurs postes. Et ceux que je connais prennent des précautions importantes : personne n’embauche sans avoir pris sa température, ils recourent aux masques, au gel hydroalcoolique…

Malheureusement leurs temps d’échange en équipe se sont réduits. Et en tant que psychologue extérieur, je ne peux moi-même plus venir animer des temps d’analyse des pratiques ! Par Skype, ce n’est pas possible… Je garde donc le contact par téléphone, mais ce n’est pas pareil.

Pourtant les professionnels ont aussi besoin de cette prévention, psychologique. Dans ce contexte la direction et l’encadrement doivent se montrer présents. Le chef de service peut devenir le chef « qui rend service » .

[1] Psychologue clinicien, consultant et formateur, Michel Brioul a notamment publié  Comprendre et gérer la violence en institution médico-sociale , chez ESF éditeur.

OlivierBONNIN
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