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Reportage19 septembre 2025
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Manifestation du 18 septembre : une colère nourrie par des salaires de misère

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté le 18 septembre dans toute la France à l'appel des organisations syndicales unies. Parmi les manifestants, de nombreux salariés travaillant dans le social et le médico-social ont exprimé leur colère. Dans le cortège parisien, nous sommes allés à leur rencontre.

Soleil estival, sonos assourdissantes, bonne humeur et du monde… La manifestation parisienne de ce 18 septembre au pied de la Bastille avait l'allant des nombreux rassemblements qui s'étaient opposés – en vain – à la réforme des retraites. C'était en 2023 et cette fois-ci, c'est le projet de budget présenté par l'ex-Premier ministre François Bayrou qui a mis le feu aux poudres.

Les salaires rattrapés par le Smic

Même si cette copie est jugée totalement injuste par tous les syndicats, la plupart des manifestants travaillant dans le social ou le médico-social ont d'abord en tête leur quotidien au travail qui se dégrade inlassablement et leur salaire qui stagne désespérément. Cette dernière question a été citée systématiquement par la dizaine de personnes qui ont accepté de nous raconter leurs conditions d'exercice.

Cinq d'entre elles sont arrivées une demi-heure avant le démarrage de la manifestation, après avoir participé en matinée à l'assemblée générale de la commission de mobilisation du travail social en Île-de-France. Elles travaillent toutes les cinq pour la fondation Olga Spitzer à Paris.

Quand on leur demande ce qui motive leur présence ce jour (et la perte d'une journée de rémunération), elles parlent toutes de leur salaire. « À la suite de la non-revalorisation des grilles, le salaire de base a été rattrapé par le Smic, explique Murielle, éducatrice spécialisée. Moi qui suis au niveau le plus élevé avec une ancienneté importante, je gagne, avec la prime Ségur, 2 400 €. Cela veut dire que je vais stagner à ce niveau dans les prochaines années. »

Six mois de retard pour les mesures AEMO

Ce n'est pas évidemment le seul sujet qui les inquiète. Elles ont également en tête le manque de professionnels, ce qui aboutit dans leurs services à laisser un poste sur dix vacant. Cette pénurie a une conséquence très simple : les mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) décidées par le juge restent sans réponse. « Il faut attendre en moyenne six mois, ce qui dégrade encore la situation du jeune et conduit à déliter la confiance des familles à notre égard », dénonce une éducatrice.

Elles sont également inquiètes de la relève, qui s'annonce difficile : disparition de l'Etsup, difficultés à remplir les écoles de travailleurs sociaux, etc. « Très souvent, les jeunes recrues partent de la structure au bout d'un mois à peine, ne finissant pas toujours leur période d'essai », témoigne une éducatrice. De quoi démotiver fortement celles qui restent.

Avenir incertain dans la profession

Justement, resteront-elles dans ces conditions ? Jusque-là, les professionnelles tenaient plutôt le raisonnement suivant : certes le métier est dur, mais suffisamment passionnant pour tenir bon malgré tout. Aujourd'hui, les choses sont moins évidentes. Léa, la trentaine, s'interroge : « Cela fait déjà dix ans que je travaille comme éduc spé. Au vu de ma fatigue, je m'interroge, je ne sais pas si je resterai tout le temps dans ce secteur. »

Un métier qui ne fait plus rêver

Un peu plus loin dans les rangs nourris de la CFDT, Sonia, agent de service hôtelier (ASH) en Ehpad depuis une vingtaine d'années, ne dit pas autre chose. « On travaille vraiment en mode dégradé, notamment depuis le Covid. Et beaucoup de soignants ont arrêté pour cause de vaccination obligatoire. » Le visage fatigué, Sonia décrit un « métier qui ne fait plus rêver », des vacataires difficiles à trouver et de moins en moins de moyens pour travailler. « Si je pouvais, je changerais de métier », glisse-t-elle, un peu gênée.

La dégradation des conditions d'exercice s'affiche partout. « À l'Éducation nationale, nous avons simplement 2 700 assistantes de service social (ASS) pour prendre en charge l'ensemble des élèves. Et pour le personnel, simplement 300 ASS », égrène Nathalie, responsable du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP), affilié à la FSU. 

Une ASS pour 5 ou 6 écoles

En première ligne derrière la banderole de la FSU, Nathalie décrit le manque criant de moyens pour exercer cette mission. « En Île-de-France, une ASS intervient dans deux ou trois établissements et en région c'est encore pire, avec cinq ou six établissements suivis », dit-elle, très en colère. Au vu des moyens actuels, elle considère que les annonces faites par l'ancienne ministre de l'Éducation nationale Élisabeth Borne sur la prise en compte de la santé mentale des élèves ne sont que « de la com' ».

Toujours l'amour du métier

15 h 30. Cela fait déjà une heure trente que la manifestation s'est ébranlée et le cortège de FO, le dernier à partir, n'a toujours pas bougé de la place de la Bastille. Plusieurs aides à domicile patientent tranquillement autour d'une petite banderole. Giovanna et Wassila travaillent depuis vingt à trente ans dans une association parisienne qui fait de l'aide et du soin à domicile. Elles aussi parlent de salaires de misère (« entre 1 500 et 2 000 euros »), de l'absence de ticket-restaurant pour manger le midi, des amplitudes horaires très importantes – « de 8 h à 20 h » –, d'interventions trop courtes, souvent d'une demi-heure, etc.

Mais quand on leur demande si elles veulent quitter ce travail, elles répondent sans hésitation. « J'aime bien mon métier, c'est pour ça que je viens le défendre à la manif », s'exclame Giovanna. Et Wassila ajoute : « On adore notre travail, nos patients. Et notre quartier [dans le 10e arrondissement, N.D.L.R.] est tellement agréable. »

NoëlBOUTTIER / Vidéos Axel GABLE
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