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Portrait03 juillet 2020
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Paroles de travailleurs sociaux : « En allant au domicile, tu en apprends beaucoup plus sur les gens »

Les travailleurs sociaux aussi méritent des applaudissements. Avant le confinement, nous sommes partis à la rencontre de professionnels qui se passionnent pour leur métier et qui défendent ses valeurs. Voici, pour clore cette mini-série, le portrait d'Agnès Roumaneix, conseillère en économie sociale et familiale (CESF) au service logement du département d’Indre-et-Loire, mobilisée sur la précarité énergétique.

Son poste de conseillère sociale "lutte contre la précarité énergétique" au service logement/FSL (fonds de solidarité logement) du conseil départemental d'Indre-et-Loire (CD 37) la positionne dans le concret, la gestion du quotidien, le terre à terre, pourrait-on dire.

Les diagnostics qu’elle réalise au domicile des personnes, de même que son travail de sensibilisation aux écogestes nécessitent, au-delà d'une approche sociale, une expertise en matière de consommation d’eau, systèmes de chauffage, gestion et usages des appareils électriques, etc.

Fille de l'air

Pourtant, et c’est toute l'originalité de son parcours, Agnès Roumaneix est plutôt, au départ, une « fille de l’air ». Grande voyageuse pendant les premières années de sa vie de jeune adulte, celle qui a longtemps été animatrice a en effet enchaîné, dès son Bafa et BAFD en poche, les séjours itinérants : Irlande, Grèce, côte Ouest américaine, Mexique… Elle a sillonné le monde avec des groupes de jeunes.

Avant de se lancer, trois saisons durant, dans le parachutisme ! « J’ai mon brevet de pilote planeur depuis l’adolescence, raconte cette travailleuse sociale pas banale. J’ai fait plus de 500 sauts en parachute, habité en camion, caravane, mobile-home... Mais même si cette expérience m’a fait grandir, je ne voulais pas m’enfermer là-dedans à long terme ».

« Le plus scientifique des métiers sociaux »

Agnès Roumaneix n’est toutefois pas prête, à 30 ans plus qu’à 20, à travailler dans un bureau. Éligible à un emploi aidé d’accueil au collège d’Amboise, où vivent toujours ses parents, elle a l’occasion dans ce cadre de faire un bilan de compétences. « Ce qui m'a donné trois pistes : social, sciences et écrits. Mais j'avais encore besoin de mûrir mon projet ».

C'est à l'issue d'un emploi aidé au Greta qu'elle trouve enfin sa voie : chargée de travailler sur le référentiel du BTS de CESF, elle réalise que « le plus scientifique et le plus technique des métiers sociaux » est fait pour elle. C'est alors parti pour une formation accélérée (en deux ans au lieu de trois) à Angers, pour préparer le diplôme d'État (DE).

Un stage au Burkina Faso

Son stage de DE lui permet de décoller à nouveau, direction le Burkina Faso. « J'intervenais dans une école de "promotion de la femme", qui allait du CM1 à la 5e : elles y apprenaient la lessive, la cuisine, mais aussi des maths, du français, dans la perspective d'aller vers l'autonomie, raconte Agnès Roumaneix, observant que « là-bas, les femmes sont le pilier de l'économie ».

Elle y travaille aussi au montage d'une action collective : l'accès au microcrédit pour un petit groupe de femmes. « Une banque locale devait faire une intervention, mais n'est pas venue. Ça a été reporté, c'est assez habituel là-bas. J'y ai beaucoup appris sur les différences de valeurs, de rapport au temps ... », se rappelle la CESF, qui relève que cela lui est encore utile : « Cela a modifié mon regard, notamment sur les différents modes "d'habiter" : par exemple, si tout le monde dort dans la même chambre, ce n'est pas forcément pour autant du mal-logement, tout est question de perception culturelle ».  

Référente RSA

Après un premier remplacement sur un poste « classique » de CESF, essentiellement autour de problématiques de surendettement, elle obtient le concours d'assistant socio-éducatif de la fonction publique territoriale, mais entre finalement à la Croix-Rouge, en tant que référente RSA.

« C'était alors un très gros pôle, nous pouvions fournir un véritable accompagnement global et individuel, auprès de personnes très désinsérées. À l’époque je pouvais dire à une personne : "si déjà vous sortez de chez vous c'est bien". J'avais une grande liberté d'action, beaucoup de temps pour chacun, j'essayais d'ouvrir vraiment des portes. Tout en faisant renouveler mon concours chaque année, j'y suis restée un moment », raconte Agnès Roumaneix.

Cap sur le logement

Puis vient son premier congé maternité et parental. Au retour, elle retrouve les personnes « au même point, et je ne sais plus trop quoi leur apporter ». Dans l'intervalle la direction a changé, et le service a été déconventionné. Bref, la CESF n'y retrouve pas son compte. Elle apprend qu'un poste s'est ouvert au département, au sein du pôle insertion RSA, où elle est rapidement recrutée : « J'étais la toute première CESF dans ce service ».

Il y a cinq ans, elle évolue sur son poste actuel de conseillère sociale "lutte contre la précarité énergétique". Et y retrouve ce qu'elle préfère : de la mobilité, de la rencontre, du temps pour saisir la situation des gens. Agnès Roumaneix revendique en effet l'importance des visites à domicile, cet « aller vers » trop rare dans le travail social ces temps-ci : « Tu apprends beaucoup plus sur les personnes qu’en entretien. Tu vois beaucoup plus de choses. Et notamment : les compétences des gens ».

Outre les diagnostics à domicile, Agnès Roumaneix effectue un travail de sensibilisation aux écogestes - à l'attention des professionnels comme du grand public - grâce à un appartement pédagogique actuellement situé à Amboise. Ici, en pleine démonstration. DR

Un catalyseur  

Comment procède-t-elle concrètement lors de ces diagnostics « sociotechniques » à domicile, demandés soit par des travailleurs sociaux de secteur soit directement par les familles, parfois dans le cadre de l'attribution d'une aide financière "énergie" du FSL ? « J'arrive avec mon matériel, je pose le thermomètre sur la table, je présente les écogestes. Et je cherche toutes les portes d'entrée sur le problème : est-ce le bâti, l'usage, la situation sociale ? », liste la CESF.

« Parfois les radiateurs sont encombrés, tout simplement. D'autres fois les gens sont dans le déni, n'entendent pas que vivre en tee-shirt à la maison coûte beaucoup de chauffage. Il peut y avoir un problème d'entretien du logement, des soucis d'addiction. Ma visite est toujours un catalyseur de leur situation : quelle que soit la nature du problème, technique ou social, il faut que quelque chose se passe derrière avec un autre interlocuteur », résume Agnès Roumaneix.

Sensibiliser à la précarité énergétique

Quitte parfois à conseiller le départ, si le logement, pour diverses raisons (départs des enfants, baisse des ressources,...) est devenu inadapté. Voire lorsqu'il est indigne... « Certains logements occupés à l’heure actuelle devraient être des garages à vélo. On ne peut pas faire de miracle non plus ! Dans le parc public, cela évolue, mais ça prend du temps. Et puis il y a une méconnaissance de la précarité énergétique, même chez les professionnels, qui rend crucial le travail de prévention ».

C'est l'autre volet du travail d'Agnès Roumaneix : l'animation d'un réseau de référents précarité énergétique (professionnels des maisons des solidarités, de l'action sociale...) afin que les travailleurs sociaux se rendant à domicile aient le réflexe - ce qui est encore trop rarement le cas - d'identifier et signaler ces problématiques.

Un outil précieux

L'appartement pédagogique (1) où elle nous reçoit est à cet égard un outil précieux. La CESF doit d'ailleurs y accueillir après notre départ, pour une sensibilisation aux écogestes, un groupe de jeunes venus d'un institut médico-éducatif (IME). « J'y ai reçu des résidents d'un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des mineurs non accompagnés, des jeunes bénéficiaires de la garantie jeune... »  

L'ancienne animatrice, qui a du bagout et le sourire chaleureux, sait sans nul doute recevoir : « Je m'adapte à ce que viennent chercher les gens dans cette visite, parfois les questions fusent, cela peut durer longtemps ! ». En un an et demi, 600 personnes ont visité l'appartement.

( 1) Lancé par le CD 37 en 2014, cet appartement pédagogique itinérant (après Tours et Amboise, il va déménager à Loches) est ouvert au grand public, via des visites gratuites et sur rendez-vous. Il est porté par de nombreux partenaires : bailleurs sociaux, CAF, l'Agence locale de l'énergie 37, Tours Métropole, etc.

Notre série de portraits de travailleurs sociaux :

MarionLEOTOING (texte), Benjamin LENEVEUT (vidéo)
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