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Article15 mars 2021
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Journée mondiale du travail social : quatre étudiantes connectées à l’étranger

« Je suis parce que nous sommes » : tel est le slogan choisi pour célébrer, ce 16 mars, le travail social, ainsi que les solidarités mondiales. À cette occasion le Media social partage les témoignages de jeunes travailleuses sociales parties exercer en Espagne, en Belgique, au Togo, ou… en France.

« Ubuntu » : le mot est partagé, tout au sud de l'Afrique, par les langues bantoues, pour désigner tout à la fois «  respect, serviabilité, partage, communauté, générosité, confiance, désintéressement », aurait expliqué un jour Nelson Mandela. La Fédération internationale du travail social en a fait le thème de la Journée mondiale du travail social, pour 2021, sous cette traduction : « Je suis parce que nous sommes. » 

« À une époque où la politique mondiale s'est repliée sur le nationalisme, Ubuntu est un message puissant sur le besoin de solidarité à tous les niveaux », justifie sa présidente Silvana Martinez. Et pour s'y associer, le Media social s'est tourné vers des travailleurs sociaux partis accompagner des personnes d'autres cultures, à l'étranger. Retours d'expériences.

Carla Pinel, 21 ans, 3 mois en Espagne : « Ils font vraiment confiance aux jeunes »

DR

« Je prépare le diplôme d’éducatrice spécialisée à la Rouatière, une école près de Castelnaudary (Aude), qui a un partenariat avec Erasmus et propose de faire les stages à l’étranger. Pour ma deuxième année, j’ai voulu partir. En Espagne... Je ne parlais pas vraiment la langue ! Mais l’école a mis en place des cours, et une formatrice espagnole m’a aidée à trouver un lieu d’accueil. Comme je compte travailler plus tard dans une structure judiciaire et puisque je m’intéresse aux migrants, j’ai pu partir dans une association qui intervient en centres de rétention, en Andalousie. Elle cherchait justement un francophone, pour leurs publics algériens et marocains. Je suis partie trois mois, en 2019. C’était super !

Cette association, Claver, se donne pour but d’accompagner les personnes migrantes mais aussi de faire fermer les centres de rétention. Son directeur présente chaque année à la presse un rapport sur leur fonctionnement. Et mon rôle principal était de recevoir les personnes migrantes en entretien, pour qu’elles m’expliquent leur parcours jusqu’en Espagne, avant de le retranscrire, pour nourrir ce rapport annuel.

Ce que j’ai appris sur le travail social en Espagne ? Ils font vraiment confiance aux jeunes, ils sont ouverts ! Ils recrutent d’abord des gens engagés, pas forcément des diplômés, et ça marche mieux. En France, ce n’est pas facile de trouver un stage à 19 ans…  

Et avec les migrants, je me suis rendu compte de la chance que nous avions en France. Un jeune venu de Turquie m’a expliqué s’être fait couper un doigt après avoir dit son homosexualité. Ici, bien sûr, on est encore ancré dans le patriarcat, mais dans ces centres, beaucoup avaient dû fuir leur pays, pour des discriminations.

Cette expérience judiciaire en Espagne m’a donné envie de découvrir, à présent, ce qui se passe en France. Et je fais actuellement mon stage long dans un service pénitentiaire de probation et d’insertion (Spip), à Carcassonne, notamment auprès de personnes radicalisées. Mais pour la suite, j’envisage de faire un master en criminologie... au Canada, à Montréal ! Se connecter aux autres peuples, cela apporte une richesse personnelle et professionnelle. »

Yeble Sovet, 29 ans, 4 mois en Belgique : « J’ai été marquée par leur travail en équipe »

« Je viens moi-même de Côte d’Ivoire : je suis arrivée en France en 2010 pour les études, avant de travailler comme accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH). Mais j’ai voulu aller plus loin, et je suis maintenant en reconversion pour devenir éducatrice spécialisée, à l’lRTS de Champagne-Ardenne. Pour la 1re année j’ai choisi l’option « mobilité internationale ». Ils nous présentent les possibilités de travail à l’étranger, nous sensibilisent à l’interculturalité… Et pour la 2e, nous faisons notre stage à l’étranger. J’ai donc choisi de partir, jusqu’à fin janvier, à Namur, en Belgique. Heureusement ! Car avec le Covid, les stages hors d’Europe ont dû être annulés.

J’ai travaillé à l’AMO Passages, un service « d’action en milieu ouvert », dans le secteur de « l’aide à la jeunesse », géré par une « association sans but lucratif », selon les termes belges… Ce que j’ai bien aimé est d’avoir pu travailler sur leurs cinq axes : la parentalité et la petite enfance, les 13-25 ans, le travail de rue, le bien-être à l’école, et enfin le travail social individuel. Leurs travailleurs sociaux peuvent eux-mêmes s’engager sur plusieurs de ces axes, notamment le travail de rue.

Travailler en Belgique m’a donc permis de découvrir des nouveaux sigles, mais surtout, un mode de fonctionnement très différent. J’ai eu l’impression que c’était très structuré chez eux ! J’ai été marquée par leur travail en équipe. Toutes les décisions se prennent ensemble, sans que ça ne mette plus de temps. La réunion hebdomadaire, par exemple, durait de 9 heures à midi, avec la coordination jusqu’à 10h15, puis la pédagogie… En Belgique, j’ai aussi pu découvrir d’autres livres, ainsi que des outils pédagogiques, que je vais pouvoir utiliser.

Il m’a fallu un petit temps d’adaptation, mais j’ai été bien entourée, avec mes deux référentes. Et puis à Namur les gens sont très ouverts et accueillants. Il est vrai aussi qu’en Côte d’Ivoire nous avons cette facilité à aller vers les autres… J’invite en tout cas tous les étudiants à avoir des expériences professionnelles à l’étranger. Cela nous confronte dans nos pratiques, cela nous remet en question, cela entretient l’ouverture d’esprit ! »    

Fanny Gribouval, 25 ans, 2 mois au Togo : « J’avais le champ libre ! »

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« Pour ma formation de monitrice-éducatrice, à l’EPSS à Paris, avec un copain nous voulions partir en stage à l’étranger. Je recherchais une ONG, et une copine m’a parlé des Amis pour une nouvelle génération des enfants (Ange), une association pour les enfants des rues, au Togo, où elle était elle-même partie. Moi, je n’étais jamais partie d’Europe, alors je me suis renseignée un maximum sur ce pays. Et j’ai fini par faire peur à mon ami ! Il s’est désisté. J’y suis quand même allée. J’ai juste obtenu de n’y passer que 8 semaines, suivies de 8 autres en France.

Quand je suis arrivée, à Lomé, en septembre 2019, ça a été une sacrée claque ! Pendant les 48 premières heures, j’étais comme dans une bulle, dans une sensation bizarre, un peu dans le brouillard… Puis d’un coup, sur un taxi moto, je me suis rendu compte où j’étais.

Il y a près de 6 000 enfants des rues au Togo. Cette ONG intervient auprès d’eux, et en accueille des dizaines dans un centre. Ils y partagent tous un dortoir, sur de simples matelas avec des moustiquaires trouées. Ils n’ont pas grand-chose mais sont d’une joie de vivre inégalable.

Je faisais vraiment mon travail de monitrice-éducatrice. J’avais le champ libre ! Et comme on ne m’a pas trop dit quoi faire, j’ai pris des initiatives. Les enfants accueillis avaient très peu de jeux à disposition, et puisqu’ils regardaient beaucoup mes bracelets, j’ai acheté des perles, pour qu’ils fassent des bijoux. Ça a très bien marché, ils faisaient des bracelets très élaborés ! J’ai trouvé comment vendre leurs bijoux en France, et ça m’a permis de leur financer une cage de foot, que j’ai commandée à un forgeron…

Je travaillais avec une Française, venue faire du volontariat, avec qui on est devenue très copines. On avait encore d’autres activités, comme le foot, la danse sur de la musique africaine, par 30 degrés… et beaucoup de soutien scolaire. Ils étaient majoritairement francophones, mais j’ai appris un peu d’éwé.

Des difficultés ? La France ne m’a pas du tout manqué. J’ai été un peu perturbée qu’on ne me donne pas d’horaires, mais je me suis adaptée. Et puis j’avais le soutien des formateurs de l’EPSS, c’était important – du moins quand j’arrivais à me connecter avec eux.

Ce stage a été complètement formateur. J’ai dû prendre des initiatives, être débrouillarde, et aussi faire face à des situations difficiles lorsqu’on intervenait dans la rue, face à des enfants battus, violés. Et j’ai appris à être encore plus patiente. Oui, je recommande de partir travailler à l’étranger ! Cela m’a fait grandir et ouvrir le  regard sur le monde. » 

Miranda Hawkins, 27 ans, 20 mois en France : « C’est difficile d’être une étrangère »

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« Pendant mes études de travailleuse sociale, au Hunter college à New York, j’ai pu suivre le summer school de l’EPSS, à Paris, en juillet 2018. Et j’ai eu le sentiment que je voulais exercer en France… C’était tellement intéressant ! J’ai pu y découvrir le travail social avec les réfugiés, qui n’est pas trop développé à New York. Et puis, aux États-Unis, c’est chacun pour soi ! De voir des gens prendre le temps de se parler, dans la rue, à Paris, ça m’a donné envie.

Je n’ai pas trouvé de travail tout de suite. Je ne parlais pas encore le français… Et avec les réfugiés, ils ont besoin de personnes qui parlent l’anglais, mais aussi le français pour les rapports !

Comme je suis chrétienne, je me suis aussi renseignée sur les églises protestantes à Paris, et j’en ai repéré une qui proposait des messes aux réfugiés, et les aidait à travers une association, At Home (A la maison, NDLR). Je me suis proposée pour travailler avec eux. J’en suis salariée, à mi-temps, depuis juillet 2019.

Nous intervenons dans le nord de Paris pour accompagner les demandeurs d’asile, que ce soit à la préfecture, chez le médecin, ou auprès d’un avocat, ou encore pour leur apporter de la nourriture.

C’est difficile, pour moi, d’être une étrangère, d’apprendre la langue, de trouver ma place ici. Je ne pensais pas la culture française si différente des États-Unis ! Et puis je travaille avec des gens qui ne connaissent ni cette culture, ni la mienne. J’ai dû apprendre le français, mais aussi un peu d’arabe et de persan…

Mais c’est tellement riche de rencontrer tous ces gens de différents pays ! Beaucoup arrivent ici avec des compétences de médecin ou de professeur, et se retrouvent à travailler dans le bâtiment, par exemple. C’est dommage.  En tant que travailleur social, on peut aussi les aider à exercer leur métier.

Et c’est intéressant de voir comment la France gère un tel afflux de réfugiés. Le pays fait quand même un bon travail, je trouve. Par rapport à la Suède par exemple, ici les demandeurs d’asile peuvent au moins obtenir des papiers, même si c’est plus difficile de s’intégrer.

Ici je fais du travail social, mais je n’en ai pas le statut. Il m’a fallu quatre ans pour avoir mon diplôme aux États-Unis, mais je ne sais pas comment le faire reconnaître. Mais je compte rester en France ! Je viens de me marier. Avec un Colombien ! »

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OlivierBONNIN
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