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Dossier juridique20 septembre 2023
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Fin des sorties sèches de l'ASE : le juge au secours des jeunes majeurs

Appliquant strictement la loi "Taquet" du 7 février 2022 qui garantit un accompagnement aux jeunes majeurs en difficulté sortant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), le Conseil d'État rappelle que les départements ne sont plus absolument souverains en la matière.

Un an et demi après l’entrée en vigueur de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, portée par l'ex-ministre Adrien Taquet, la « fin des sorties sèches » pour les jeunes de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est-elle une réalité ?

La règle est désormais que les jeunes majeurs de 18 à 21 ans confiés à l’ASE avant leur majorité continuent, de droit, à être pris en charge, dès lors qu’ils ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

Le gouvernement souhaitait avec cette mesure « garantir une solution d’accompagnement à chaque jeune de l’aide sociale à l’enfance devenant majeur ». L'objectif étant « d’articuler les dispositifs d’insertion et les dispositifs d’accompagnement socio-éducatifs afin qu’aucun majeur ne se retrouve sans solution ».

Néanmoins, la loi est, sur ce point, diversement appliquée sur le territoire. Dans un rapport du 23 juin 2023, le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et le Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ) constatent que « les exécutifs départementaux apprécient seuls la nécessité ou non d’octroyer un accompagnement jeunes majeurs, ce qui entraîne une multiplicité des pratiques », ainsi que des « inégalités d’accès aux droits ».

Lorsqu'un département refuse de poursuivre la prise en charge, le jeune majeur a la possibilité de saisir le juge des référés de la juridiction administrative, afin de suspendre l’exécution de la décision et demander au conseil départemental de réexaminer sa situation.

Entre novembre 2022 et juillet 2023, une dizaine d’affaires sont remontées jusqu’au juge des référés du Conseil d’État. Dans toutes (sauf une) le juge a donné raison aux jeunes majeurs.

Dès lors que les trois conditions légales sont réunies (âge, prise en charge par l’ASE pendant la minorité, et absence de ressources et de soutien familial suffisants), la prise en charge du jeune majeur doit se poursuivre.

Le large pouvoir d’appréciation, dont disposaient auparavant les départements en la matière, n’est plus d’actualité sous l’empire de la nouvelle législation, martèle le juge des référés du Conseil d’État.

1. Maintien de la prise en charge pour les jeunes majeurs en difficulté

La loi du 7 février 2022 instaure une obligation de continuité de la prise en charge, dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), de chaque jeune de moins de 21 ans sans ressources ni soutien familial (article L. 222-5, 5° du code de l’action sociale et des familles).

Conditions de la prise en charge

Ont droit à une prise en charge par le service de l’ASE, les jeunes majeurs réunissant les trois conditions suivantes :

  • être âgés de moins de 21 ans (ou être mineurs émancipés) ;
  • être dépourvus de ressources ou d’un soutien familial suffisants ;
  • avoir été confiés à l’ASE pendant leur minorité.

Les jeunes qui ont choisi de quitter l’ASE mais souhaitent être à nouveau accompagnés avant leurs 21 ans ont également droit à cette prise en charge par l’ASE, sous réserve d’être sans ressources et sans soutien familial suffisants. Il s’agit du « droit au retour ».

Ces conditions sont limitatives. Le président du conseil départemental ne peut pas subordonner le maintien de la prise en charge à d’autres critères, comme l’illustrent plusieurs décisions du juge des référés du Conseil d’État (voir ci-dessous le paragraphe « Marge d'appréciation réduite pour les départements »).

Forme de la prise en charge

L’accompagnement devant être proposé aux jeunes majeurs s’appuie sur le « projet d’accès à l’autonomie » élaboré alors qu’ils étaient encore mineurs, dans le cadre de l'entretien devant se tenir à leurs 17 ans.

L'enjeu de ce projet est, pour mémoire, la construction d'une « réponse globale adaptée » aux besoins du jeune en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources (article L. 222-5-1 du code de l'action sociale et des familles).

Réponse globale adaptée aux besoins du jeune

Si ce projet n’est pas adapté aux besoins du jeune majeur, il est complété, si nécessaire, par le président du conseil départemental, afin de couvrir les besoins suivants :

  • l’accès à des ressources financières nécessaires à un accompagnement vers l’autonomie ;
  • l’accès à un logement ou un hébergement ;
  • l’accès à un emploi, une formation ou un dispositif d’insertion professionnelle ;
  • l’accès aux soins ;
  • l’accès à un accompagnement dans les démarches administratives ;
  • un accompagnement socio-éducatif visant à consolider et à favoriser son développement physique, psychique, affectif, culturel et social.

Contrat « jeune majeur »

Cet accompagnement proposé aux jeunes majeurs est généralement désigné sous la dénomination de « contrat jeune majeur », bien que cette expression ne soit à aucun moment utilisée par la loi du 7 février 2022 ou le code de l’action sociale et des familles.

Le Conseil d’État y fait toutefois régulièrement référence. Ainsi, dans une décision du 12 décembre 2022, il explique que la prise en charge des jeunes sortant de l’ASE « prend la forme du document dénommé "contrat jeune majeur" qui a pour objet de formaliser les relations entre le service de l'aide sociale à l'enfance et le jeune majeur, dans un but de responsabilisation de ce dernier ».