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Article02 avril 2020
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Dans la pandémie, la prévention spécialisée s’avère également sanitaire

Face au covid-19, les éducateurs de rue réinventent leurs interventions dans les quartiers populaires. Sensibilisant aux gestes barrières, ils continuent à « aller vers », en voiture, masqués, ou sur les réseaux sociaux. De quoi aider au confinement…

Dans la guerre planétaire contre le coronavirus, au local de l’Agasef, à Saint-Étienne, on a sorti les ciseaux. « On a reçu des masques en tissu grâce au département de la Loire, mais ils ne sont pas finis, il faut encore les découper », s’amuse la directrice, Anne-Marie Fauvet. Pour cette association qui assure prévention spécialisée et aide éducative, ces masques seront précieux pour pouvoir rendre visite aux familles. « Je m’inquiète, car avec le confinement, ça peut partir en vrille… » A l’heure de la distanciation sociale, nombre d’éducateurs de rue se sont déjà adaptés, pour continuer à « aller vers ».

Travail de rue suspendu

Bien sûr, aux premiers jours du confinement, il n’était plus question d’aborder des jeunes au pied des immeubles. « Nous avions déjà supprimé toutes nos actions collectives, et dès le 17 mars, nous avons suspendu notre travail de rue », témoigne par exemple Daniel Dose, qui dirige le service de prévention spécialisée de Moissons nouvelles, dans le bassin houiller de Moselle.

Renforts aux établissements

« Du reste, les associations avec des établissements ont souvent réquisitionné ces éducateurs pour aller travailler dans les Mecs », ajoute Anne-Marie Fauvet, qui préside, par ailleurs, le Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS). Bien des personnels ont en effet dû s’en absenter, notamment pour garder leurs propres enfants… Dans le Nord, du reste, les équipes de la « prev' » ont montré « un élan de solidarité exceptionnel pour venir en renfort dans les établissements de la protection de l’enfance », y témoigne Marie-Pierre Cauwet, directrice de l’Association de prévention spécialisée nationale (APSN).

Tournées en voiture

Mais voilà : dans les quartiers populaires, « malgré les consignes laissées par les équipes, les gamins ne sont pas tout de suite rentrés chez eux », rapporte Anne-Marie Fauvet. Dès cette première semaine de confinement, « des éducateurs de rue ont donc commencé à intervenir en voiture », pour repérer les jeunes restés à l’extérieur, puis « leur expliquer les consignes par téléphone ou sur réseaux sociaux ». Dans le Nord et le Pas-de-Calais, certains travailleurs sociaux ont même pu « se trouver des masques avec les moyens du bord et poursuivre ainsi leur travail de rue, malgré des effectifs amputés », ajoute Marie-Pierre Cauwet.

Théories du complot

Il reste à convaincre de l’urgence de la prévention, face à des adolescents parfois adeptes des théories du complot. « Le discours moralisateur, ça ne fonctionne pas, pas plus que le rappel des sanctions », remarque Daniel Dose. « En revanche, expliquer le risque de ramener le virus à sa propre famille, ça peut faire écho chez certains. » Et d’après Anne-Marie Fauvet, « désormais, le confinement est quand même respecté dans beaucoup de quartiers »

Face-à-face

Pour les adolescents, le défi est maintenant de supporter le face-à-face avec les parents, dans des logements parfois très exigus. Et les éducateurs de rue peuvent les y aider. « L’innovation, la créativité, l’adaptabilité, tout cela constitue l’ADN de la prévention spécialisée », se félicite Marie-Pierre Cauwet. « Et c’est bien ce qu’elle met en pratique aujourd’hui. »

Concours du meilleur confinement

« Désormais l’accompagnement socio-éducatif se poursuit, en mobilisant les réseaux sociaux et les applications numériques, afin de maintenir les liens avec les jeunes mais aussi avec leurs parents », poursuit la directrice de l’APSN. Le travail social collectif parvient même à se réinventer en ligne. Ce 1er avril dans le Pas-de-Calais, en plein Bassin minier, le club de prévention Avenir des cités avait ainsi donné rendez-vous sur Facebook pour un atelier « fondant au chocolat ». Marie-Pierre Cauwet rapporte pour sa part « des concours du meilleur confinement ou du quartier au calme », lancés à travers les réseaux sociaux !  

Continuité scolaire

« Nous travaillons aussi sur la continuité scolaire », ajoute Anne-Marie Fauvet, à Saint-Étienne. Souvent en lien avec les écoles et collèges, les éducateurs de rue peuvent notamment se proposer pour aider aux devoirs à distance - que ce soit par visioconférence, messagerie ou téléphone, selon les équipements disponibles.

Rue virtuelle

« Avec le département de Moselle, il avait déjà été convenu que nous travaillions, également, sur la rue virtuelle », précise Daniel Dose, à Moissons nouvelles. Et de fait, comme le note Anne-Marie Fauvet, « nos éducateurs travaillent déjà souvent sur les réseaux sociaux et avec les messageries ». Mais « on a tous fait beaucoup de progrès en quelques jours », sourit la présidente du CNLAPS.

Le métier habituel

Bien sûr, dans le confinement, la prévention spécialisée peut encore s’exercer physiquement. Ici ou là, des éducateurs de rue se déplacent encore, pour déposer un colis alimentaire, livrer du matériel scolaire, désamorcer une crise familiale...  Face au covid-19, au fond, « le travail reste le même », souligne Marie-Pierre Cauwet. « Qu’on soit à côté ou à 10 km, notre métier, c’est le lien », acquiesce Anne-Marie Fauvet. « Et cela reste notre métier habituel. Ce sont juste les supports qui changent. » Certains élus locaux vont enfin pouvoir comprendre les atouts de la prévention spécialisée.  

OlivierBONNIN
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