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Interview26 mars 2020
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À Toulouse, une cellule hospitalière créée en urgence pour accompagner les Ehpad

La cellule de soutien Covid-Ehpad, lancée par des gériatres du Gérontopôle du CHU de Toulouse, propose depuis le 18 mars une plateforme téléphonique et une équipe mobile de dépistage du Covid-19 en Haute-Garonne. Une réponse sanitaire inédite pour soutenir les Ehpad face à l’épidémie, comme l’explique Hélène Braun, médecin gériatre.

Comment avez-vous conçu la cellule ?

Hélène BraunAvec plusieurs équipes - hôpital de jour, équipes mobiles intra-CHU en gériatrie, équipe mobile extra-CHU en Ehpad dédiée aux troubles du comportement et équipe de prévention du vieillissement et de la dépendance (ERVPD) – nous avons réfléchi au projet le week-end du 14 mars. Le lundi 16 nous avons défini les principes d’action et les objectifs, puis recruté les infirmières et aides-soignantes qui ont été formées à l’hygiène et au prélèvement.

Dès le 18 mars, la ligne téléphonique accessible 7j/7j de 9h à 20h était mise en place et l’équipe mobile pouvait commencer les dépistages. L’équipe est composée de huit infirmières, une aide-soignante, une cadre de soins et neuf médecins.

Quelles sont les demandes des Ehpad ?

H.B.Nous recevons entre 10 et 20 appels par jour. Nous sommes contactés par le médecin coordonnateur, la directrice, l’infirmière, un cadre ou le médecin traitant d’un résident. Certains souhaitent un dépistage car ils ont des doutes sur des symptômes : en tant que gériatres nous prenons le temps de la discussion, car chez le sujet âgé les signes du Covid-19 sont parfois différents de ceux de la population générale.

Mais nous les renvoyons vers le Samu qui est chargé de la régulation de l’épidémie. Le Samu revient ensuite vers nous pour déclencher si nécessaire le départ de l’équipe de dépistage. À ce jour nous sommes intervenus sur 15 Ehpad.

Pour quels autres besoins êtes-vous également sollicités ?

H.B.Nous conseillons les Ehpad sur des questions d’hygiène, d’isolement, d’évacuation du linge, etc. Pour répondre à toutes ces questions, nous avons effectué en amont toute une recherche biographique pour rédiger des fiches simples, en nous appuyant sur le Haut conseil de la santé publique (HCSP), l’agence régionale de santé (ARS) et l’organisation mondiale de la santé (OMS).

Nous les adaptons au fur et à mesure de l’épidémie en procédant à une veille scientifique quotidienne. Nous avons aussi créé une « to do list » du médecin coordonnateur : voir comment créer dans l’Ehpad un « secteur Covid », récupérer les directives anticipées des résidents, voir si des fiches « Lata » - qui concernent la limitation des soins pour les personnes en soins palliatifs - ont été rédigées, vérifier les carnets d’entrée dans les établissements pour s’assurer des prises de température de tout intervenant extérieur.

Comment intervient l’équipe mobile de dépistage ?

H.B.En binôme avec deux infirmières, ou une infirmière et une aide-soignante. Nous limitons les interventions à trois cas suspects, du fait du nombre de kits et du temps que cela requiert. Préalablement l’équipe mobile appelle l’Ehpad pour qu’il prépare un minimum de matériel : une table à l’entrée de la chambre avec des matériels de désinfection, des poubelles.

Une fois sur place, au-delà du dépistage, l’équipe mobile débriefe avec le personnel de l’Ehpad, regarde les locaux pour donner des conseils, fait le point sur les mesures d’hygiène, d’isolement. Chacun confronte ses pratiques. Notre cellule apporte aussi un soutien psychologique aux équipes, qui peuvent se sentir seules face à cette épidémie.

Que deviennent les tests ?

H.B.Ils sont déposés à l’Institut fédératif de biologie (IFD) et les résultats sont obtenus en une demi-journée. Nous rappelons les Ehpad pour les leur communiquer. Pour l’instant sur les établissements visités tous les tests ont été négatifs. Mais nous savons qu’il y a des faux négatifs, donc les résidents testés doivent rester à l’isolement. Nous les rappelons à J+7 du prélèvement pour vérifier si les résidents sont toujours symptomatiques et nous les testons de nouveau à ce moment-là. Pour les résultats des dépistages nous restons fonctionnels 24h/24h.

Les demandes des Ehpad vers la cellule évoluent-elles ?

H.B.Au début de la semaine dernière beaucoup de questions portaient sur les symptômes chez les soignants et les précautions à prendre. Actuellement ce qui met en difficulté les médecins coordonnateurs, ce sont les symptômes typiques et potentiellement précurseurs du Covid-19. Ils souhaitent savoir comment les dépister.

Afin de les aider au mieux nous faisons des réunions en interne mais aussi avec d’autres équipes, comme Nancy et Montpellier, qui ont été confrontées à de nombreux décès dans des Ehpad. Nous partageons nos expériences pour nous adapter au jour le jour.

Dans quel état d’esprit sont les professionnels d’Ehpad actuellement ?

H.B.Les inquiétudes s’atténuent un peu car les dotations de masques sont mises en place. Mais cela dépend de chaque structure : certaines ont des médecins coordonnateurs qui connaissent bien les procédures, avec des équipes qui fonctionnent bien ; d’autres ont des problèmes de communication en interne ou n’ont pas de médecin coordonnateur. Pour elles, c’est beaucoup plus difficile.

Certains Ehpad ont également des problèmes liés à leur architecture, parce que c’est un lieu de vie et non une structure hospitalière, et ce n’est pas simple de déplacer des résidents, qui ont leur chambre avec leurs meubles, vers un nouveau « secteur Covid ».

Il faut également prévenir l’absentéisme du personnel : nous avons sensibilisé l’ARS afin qu’elle débloque la réserve sanitaire sur les Ehpad. Nous espérons que la mise en place des centres de dépistage de médecine générale permettra de faciliter le dépistage des personnels de santé, qui parfois sont arrêtés par précaution.

Cette cellule est-elle totalement inédite au sein du Gérontopôle ?

H.B.Oui et cela active énormément de réponses. L’accès à la téléconsultation, qui jusqu’ici avait du mal à décoller, a été mis en place en cinq jours ! Une hotline pour les soins palliatifs a également été ouverte et les services d’hospitalisation à domicile ont débloqué des moyens pour aller dans les structures. C’est sans précédent.

Comment envisagez vous la suite ?

H.B.Je pense que la cellule va rester à peu près sur le même rythme, mais une fois que l’épidémie sera lancée nous aurons plus de sollicitations pour des téléconsultations et un besoin de soutien et de réflexion éthique pour la gestion des soins palliatifs.

Propos recueillis par LaetitiaDELHON
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