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Travail social et IA : atout ou risque pour les pratiques ?

Longs FormatsAlexandra LUTHEREAU19 juin 2025
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L’intelligence artificielle (IA) fascine autant qu’elle fait peur. Le secteur social s’y intéresse de près, et certains professionnels y ont déjà recours. En effet, ces outils pourraient faire gagner du temps et améliorer l’accompagnement des personnes. À condition d’être vigilants sur leurs limites et leurs risques.

Fin 2022, l’irruption de ChatGPT auprès du grand public a popularisé l’intelligence artificielle (IA) générative et plus largement l’IA. En quelques mois, ces technologies sont devenues des outils du quotidien, aussi bien sur les plans personnel que professionnel. Le secteur social et médico-social, souvent en marge des révolutions technologiques, n’y échappe pas. 

Recentrer le métier

D’ailleurs, « dans le secteur, l’IA est déjà déployée et utilisée », pointe Anaëlle Valdois, experte IA à l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap). Selon Yann Ferguson, directeur scientifique du LaborIA, le laboratoire de recherches de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et du ministère du Travail, consacré à l’IA dans le travail, l’intelligence artificielle a en effet tout son intérêt dans le secteur, notamment face à l’« inflation des tâches administratives ».

« L’IA pourrait réduire le temps consacré à ces tâches au profit d’actions valorisantes et du recentrage sur le cœur de métier du travail social. Cela pourrait augmenter l’attractivité pour ses métiers », a-t-il déroulé lors d’un colloque sur le sujet organisé par l’Association nationale des maisons d'enfants à caractère social (Anmecs) en mars 2025.

Synthétiser ses idées

Nicolas Plantegenet, éducateur spécialisé en protection de l’enfance. DR

Nicolas Plantegenet, éducateur spécialisé dans la protection de l’enfance, fait partie de ceux qui ont intégré l’IA générative à leur pratique : « J’utilise souvent ChatGPT. Par exemple, dans le cadre du projet personnalisé, je peux demander à l’IA des pistes de travail concernant un champ que je veux travailler avec un enfant (technicité, éducation…), en fonction de ses capacités. Ça synthétise mes idées et structure mon travail. »

De son côté, Adrien Guionie, assistant de service social en protection de l’enfance, utilise l’IA conversationnelle pour la rédaction de la partie synthèse de ses rapports, face à une charge de travail « exponentielle ».

Gagner du temps

Plus inattendu, les deux travailleurs sociaux utilisent également la solution d’OpenAI avec les jeunes qu’ils accompagnent. Pour la rédaction des lettres de motivation de ces derniers ou pour construire leur projet d’orientation professionnelle par exemple. « Je galérais entre les dates de portes ouvertes, les fiches métiers, etc. L’IA compile des infos provenant de plusieurs sources », soutient Adrien Guionie. Pour l’un et l’autre, cet outil leur fait « gagner du temps », « est facilitant » et « apporte de la clarté ».

Le champ des possibles de l’IA générative dans le secteur est large. Selon un consultant du cabinet Forvis Mazars, ces solutions pourraient demain être utilisées « pour la rédaction des projets d’établissement et des contrats de séjour, la traduction des documents en FALC (Facile à Lire et à Comprendre) ou encore pour la création d’images visant à faciliter la communication avec des personnes autistes », égrène-t-il lors d’un webinaire organisé en partenariat avec Nexem.

Ne pas rater le coche

Adrien Guionie, assistant de service social en protection de l’enfance. DR

Mais aujourd’hui, cette utilisation de l’IA générative est la plupart du temps informelle. Selon un sondage de 2024, plus d’un salarié sur deux a déjà utilisé un logiciel d’IA au travail sans en informer sa hiérarchie. D’ailleurs, les professionnels du secteur interrogés l’affirment : ils « tâtonnent », s’en servent « sans cadre », « sans être formés ». C’est une espèce de « no man’s land », résume Adrien Guionie. D’où l'intérêt d’y réfléchir et de penser ses usages.