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Article10 janvier 2020
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Samu social : y aura-t-il un président cet hiver ?

Depuis décembre, le Samu social n'a plus de président à sa tête. L'Etat et la ville de Paris ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un candidat. La question des migrants et des sans-papiers a tendance à crisper les relations entre tous les acteurs.

Jamais autant de personnes sans toit ne sonnent à la porte du Samu social, chargé d'orienter les demandeurs vers des structures d'accueil. Jamais les situations de non-prise en charge n'ont été aussi nombreuses. En septembre dernier, Éric Pliez, le patron du Samu social de Paris, déclarait au Monde : « Chaque jour, le Samu social de Paris n'a pas de solution à offrir à 1 200 personnes qui le joignent - alors que beaucoup n'appellent plus - dont 300 enfants. »  

Trois mandats pour Éric Pliez

Il se trouve que ce même Pliez a jeté le tablier en octobre. Pas par dépit ou désaccord mais tout simplement pour laisser la place à un successeur après trois mandats réalisés. Et puis, il ne lui était pas possible de rester à ce poste alors qu'il se prépare au combat électoral (il conduit la liste du 20e arrondissement qui soutient la maire sortante Anne Hidalgo). Pour faciliter la tâche de son successeur, Éric Pliez a accepté de rester encore deux mois. En décembre, il a rendu, comme prévu, son mandat.

Règle nouvelle

Le problème, c'est que son tablier n'a jusqu’à maintenant été repris par personne. Le principe de fonctionnement du Samu social (qui a fait ses preuves jusque-là) est de trouver une personnalité qui convient aussi bien à l'État qu'à la ville de Paris. Le Samu social est un groupement d'intérêt public (GIP) qui associe également les associations. Cette fois-ci, pour la nomination du 4e président, l'État a imposé une règle nouvelle : pas de représentant du monde associatif pour éviter tout conflit d'intérêts (1).

Exit Christophe Devys !

Avec ce type d'argument, la candidature du conseiller d'État Christophe Devys a été écartée. Le fait que cet ancien conseiller ministériel (sous Jospin et sous Ayrault) et éphémère directeur général de l'ARS Ile-de-France soit aujourd'hui le président du collectif (associatif) Alerte aurait été rédhibitoire pour le pouvoir. « J'aurais été intéressé d'avoir une action de terrain », regrette celui-ci.

L'Intérieur s'en mêle

Ensuite ou avant, la candidature de Pascal Brice, ancien patron de l'Ofpra, a elle aussi été écartée. Cette fois-ci, le secrétaire d'État à la cohésion des territoires en charge du logement (2) semblait soutenir cette hypothèse, mais elle aurait été rejetée par le ministère de l'intérieur et/ou l'Elysée. Les analyses très libres de Pascal Brice sur la question migratoire n'auraient pas été appréciées. « C'est la première fois qu'il faut l'aval du président de la République pour nommer le patron du Samu social », déplore Dominique Versini, maire-adjointe chargée des solidarités (et co-fondatrice avec Xavier Emmanuelli du Samu social). Et d'ajouter : « D'habitude, tout se passe facilement. » 

Plus de liberté de parole ?

Alors que se passe-t-il ? Pourquoi l'habitude a-t-elle été remise en cause ? Pour Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (sa structure régionale est membre du CA du Samu social), « l'État veut imposer un profil de haut-fonctionnaire au lieu d'une forte personnalité aux paroles incisives. » Il regrette que l'État semble vouloir revenir sur la tradition de liberté de parole. Le très actif responsable associatif craint que cette situation de vacance à la tête du Samu social dure au moins jusqu'aux municipales de mars.

Défendre les sans-abri, pas le président

Mais sur quoi ça coince ? « L'hébergement des familles sans titre de séjour, c'est ça le sujet », affirme Florent Guéguen. Pour le pouvoir, l'intérêt de nommer un haut-fonctionnaire docile pourrait être d'aboutir à une plus grande neutralité en cas de remise en cause de l'inconditionnalité de l'accueil. « Mais le président du Samu doit défendre les sans-abri, pas l'action gouvernementale » , ajoute le DG de la FAS.

Tensions sur les étrangers

En fait, explique Éric Pliez, la situation est devenue plus tendue avec l'État depuis la circulaire Collomb avec la volonté de l'Etat de permettre aux préfectures de mettre la main sur les données des personnes réfugiées. D'une certaine manière, ce blocage au Samu social est révélateur des tensions qui s'approfondissent entre les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile, notamment sur l'accueil des étrangers.

Toujours est-il, estime l'ancien président du Samu social, qu'il faut faire vite, ne serait-ce que pour ne pas désespérer les 600 salariés du Samu. « Cette situation n'est vraiment pas un facteur rassurant pour les personnels qui peuvent avoir un sentiment d'abandon ». 

(1) Éric Pliez est directeur général de l'association Aurore (pendant la campagne, l'intérim est assuré par son adjoint). 

(2) Sollicité, le cabinet de Julien Denormandie n'a pas donné suite à notre demande dexplication.

NoëlBOUTTIER
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