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Tribune libre20 octobre 2021
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Revalorisation des métiers du domicile : des perspectives pour le grand âge ?

Dans cette tribune libre*, Marie-Josée Daguin et Thierry d’Aboville, respectivement présidente et secrétaire général de l’Union nationale de l'aide à domicile en milieu rural (ADMR), reviennent sur l’avenant 43 qui, en revalorisant les salaires des personnels de la branche associative de l'aide à domicile (BAD), dessine de nouvelles perspectives pour le secteur du grand âge.

Depuis le 1er octobre, les métiers du secteur associatif du domicile font l’objet d’une revalorisation très significative. En effet, est entré en vigueur l’avenant 43 à la convention collective de la branche du domicile, qui concerne 220 000 salariés en France. Une revalorisation très attendue qui témoigne d’une reconnaissance légitime de ces métiers.

La convention collective de la branche du domicile n’avait bénéficié d’aucune revalorisation significative depuis 2004, imposant à ses salariés des rémunérations très souvent inférieures à 1 000 euros nets par mois et des parcours professionnels profondément frustrants : il n’était pas rare qu’une aide à domicile – ce sont presque exclusivement des femmes – attende plus de 15 ans pour voir sa rémunération s’élever effectivement au-dessus du Smic !

Des conditions inacceptables pour des personnes qui accompagnent jour après jour ceux qui nous sont chers, et une situation intenable pour des associations qui ne parvenaient plus à recruter, et ne pouvaient plus répondre à la demande croissante d’une population française vieillissante.

Il était décidément urgent que le gouvernement, qui conserve un droit de regard sur les évolutions de la convention collective du secteur, valide cette revalorisation négociée par les partenaires sociaux : des salaires en hausse de près de 15 % en moyenne et la mise en place de nouvelles perspectives de parcours professionnels. C’est aujourd’hui une réalité et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Le secteur associatif : un rôle essentiel

Car 83 % des Français souhaitent vieillir à domicile ! Cette date du 1er octobre est ainsi l’occasion de revenir sur le rôle essentiel et unique du secteur associatif du domicile. En France, ce sont très majoritairement les 220 000 salariés du secteur associatif du domicile qui réalisent aujourd’hui les prestations permettant aux personnes en perte d’autonomie, personnes âgées ou vivant avec un handicap, de continuer à vivre à domicile ; plus de 1,5 million d’entre elles reçoivent chaque jour, parfois plusieurs fois par jour leurs visites, pour les actes essentiels de la vie : lever, toilette, repas…

Pilotées et animées par des bénévoles, mobilisées autour de valeurs et du projet d’une société plus humaine et solidaire, les structures associatives du domicile remplissent auprès des conseils départementaux une mission qu’il faudrait qualifier de mission de service public. En effet, elles interviennent auprès de tous, quels que soient les niveaux de revenus, les handicaps ou la perte d’autonomie, quelles que soient les distances.

À ce titre, le secteur associatif accomplit, dans des territoires où les commerces, mais aussi les services publics et l’offre de soins se retirent un peu plus chaque année, une mission dont la crise sanitaire a souligné l’importance : le maintien du lien social. Les études [1] l’ont montré : le besoin de lien social est essentiel. Ainsi, parmi les bénéficiaires de prestations à domicile, ce ne sont pas les personnes les plus dépendantes qui ont le plus souffert du confinement – leurs prestations ont été maintenues coûte que coûte – mais celles dont les prestations, abusivement associées à du « confort », ont été interrompues, rompant ainsi le fil les liant encore à la société.

Autonomie : un enjeu de société

Mais ce que les structures associatives, comme le secteur du domicile dans son ensemble, attendent depuis trop longtemps, c’est une prise en compte en France des enjeux du grand âge. Alors que les derniers espoirs de voir aboutir avant la fin du quinquennat une loi grand âge ont été dissipés, le 8 septembre dernier par Jean Castex, la question est à nouveau posée : quelle société voulons-nous pour nos aînés ?

Le vieillissement de la population est une réalité : en 2050, le nombre de personnes de plus de 85 ans aura triplé par rapport à 2017 pour atteindre 4,8 millions et le nombre de personnes en perte d’autonomie passera de 2,5 à 4 millions, à 80 % à domicile [2]. Les budgets supplémentaires pour assurer un accompagnement du grand âge ont été chiffrés et sont considérables : le rapport Libault les évaluait en 2019 à 6,2 milliards d’euros par an à partir de 2024, à 9,2 milliards à partir de 2030. Mais au-delà des investissements, c’est d’une vision et d’une ambition dont la France a besoin pour le grand âge et seule une grande loi et les financements associés, maintes fois promis, pourront poser les fondements d’une société plus juste et inclusive.

Les annonces de Jean Castex, le 23 septembre, à la suite d’une visite sur le terrain accompagné par l’ADMR, ont certes répondu aux principales revendications les plus urgentes du secteur associatif : la mise en place, avec le soutien de l’État, d’un tarif horaire socle national de 22 euros, auquel sera associé un bonus qualitatif lié aux conditions d’exercice des prestations, constitue un soulagement pour de nombreuses associations dont la tarification par les départements était inférieure à leur coût de revient. Alors que la hausse des salaires liée à l’avenant 43 sera supportée par les structures dès le mois d’octobre, il conviendra de s’assurer que les départements appliqueront tous simultanément la revalorisation de leur tarification.

L’autonomie encore absente des débats de la Présidentielle

Sur la question du grand âge et de l’autonomie, la société française aspire à un véritable virage domiciliaire. Le sujet du grand âge sera un enjeu majeur pour les années qui viennent et devrait, à ce titre, être au cœur des débats des présidentielles. Mais, après de tant de déconvenues ces 15 dernières années, peut-on espérer que nos politiques auront la volonté de se saisir de cette question et le courage de prendre de réels engagements sur un sujet pouvant apparaître comme titanesque ? Or, seule une mobilisation conjointe de l’État et des départements, qui pilotent les politiques sociales au plus près des territoires, permettra d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux.

Et si les politiques ne sont pas sensibles au sort des salariés du secteur, souvent qualifiés d’« invisibles », et des 2,5 millions de personnes dépendantes qui manquent souvent de l’énergie nécessaire pour se faire entendre, ne devraient-ils pas aussi prendre en considération le poids du secteur économique du grand âge, avec ses 830 000 emplois (équivalents temps plein) non délocalisables et le rôle unique qu’il continuera à jouer dans le développement territorial de notre pays ?

Nous ne voulons pas en douter.

[1] Étude « Les enseignements de la crise », réalisée par l’Ifop pour l’ADMR, financée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

[2] 4 millions de seniors seraient en perte d’autonomie en 2050,  Insee Première, juillet 2019.

Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction du Media Social.

Marie-JoséeDaguin et Thierry d'Aboville
Présidente de l’Union nationale ADMR et Secrétaire général de l’Union nationale ADMR
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