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Tribune libre02 avril 2024
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Suite au reportage de M6, "nous espérions que l’État assume ses responsabilités"

Le président de l'Unapei, Luc Gateau, réagit dans cette tribune libre* au plan de contrôle des établissements pour personnes handicapées annoncé par le gouvernement, suite à la diffusion du documentaire de Zone interdite. Il pointe des réponses déconnectées des attentes.

Le 24 mars dernier était diffusé à une heure de grande écoute un reportage mettant en lumière les graves lacunes de la politique du handicap en France. Ces manquements ont de lourds impacts, notamment pour les personnes en situation de handicap intellectuel, polyhandicap, porteuses d’autisme et de troubles psychiques, leurs proches, ainsi que les professionnels qui les accompagnent.

Ces images insupportables ont mis à jour les drames quotidiens vécus par des dizaines de milliers de Français, isolés et en grande difficulté sociale. Le reportage révèle également des situations de maltraitance. Il fait cruellement écho aux alertes que nous, associations de parents bénévoles, lançons depuis des décennies et reflète un quotidien tristement connu sur les territoires.

Généralisation des contrôles

Au lendemain du reportage, nous espérions que l’État assume ses responsabilités et annonce des mesures immédiates pour répondre à ces situations sociales, indignes pour notre pays. Seule réponse entendue : une généralisation des contrôles des établissements médico-sociaux pour lutter contre la maltraitance.

Les coupables sont donc trouvés et la stratégie de lutte contre les maltraitances, si importante et que nous avons coconstruite, se retrouve vidée de son sens. Certaines propositions concrètes qui avaient pourtant été formulées, semblent balayées d’un revers de main.

Bien entendu, les contrôles sont nécessaires et légitimes. Toute forme de maltraitance se doit d’être sévèrement punie. Cependant, s’attaquer aux symptômes sans agir sur les causes, dénote un grave désintérêt de nos dirigeants pour une partie de nos concitoyens. Combien de temps seront-ils encore abandonnés à leur sort ?

Pertes de chance

En France, de nombreuses personnes en situation de handicap sont exposées aux vulnérabilités liées aux retentissements de leur handicap et au contexte socio-économique. Certaines requièrent des accompagnements et interventions de la part de professionnels formés et en nombre suffisant, 365 jours sur 365, 24 heures sur 24, pour tous les actes de la vie quotidienne : se laver, se vêtir, se nourrir, communiquer, se déplacer.

En ne leur garantissant pas des solutions adaptées, notre pays s’enlise dans un cercle vicieux aux lourdes conséquences : dégradation du bien-être, perte d’autonomie, apparition de sur-handicaps. Ces personnes en situation de handicap sont laissées aux portes de l’école, des entreprises, des accompagnements par les services et établissements médico-sociaux, etc. Quelles pertes de chance !

Pour chaque citoyen, familles, parents, professionnels, cette situation est insupportable. Face à l’abandon des politiques sociales par les dirigeants successifs de notre pays, les termes si souvent employés de vie autonome et inclusive restent des vœux pieux.

En ne proposant aucune solution d’accompagnement permanente, pérenne et durable à ces personnes, le gouvernement creuse davantage le fossé avec ses concitoyens. Nous ne pouvons tolérer ce déni de réalité, ni ces œillères face à des constats connus de tous, à tous les échelons du territoire.

Transition inclusive responsable

Depuis des années, les associations membres du réseau Unapei innovent, se renouvellent, multiplient les actions pour améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap, de leurs familles, et pour accompagner une transition inclusive responsable.

Les discours actuels des décideurs publics sont non seulement démobilisateurs pour des professionnels en nombre insuffisant, voire s’apparentent à des signes de défiance et de mépris à l’égard des personnes elles-mêmes.

Nous, parents, épaulés par les professionnels, avons interpellé, médiatisé, manifesté, fait valoir les conséquences humaines d’accompagnements dégradés, faute de moyens humains et financiers. Comprenez notre colère face à ces alertes, restées une fois de plus, lettre morte.

Nous, membres d’associations à but non lucratif, rappelons que nous assumons depuis toujours des missions d’intérêt général, qui visent à créer les conditions d’une société inclusive, de l’effectivité des droits fondamentaux des personnes que nous accompagnons associées à un véritable vivre-ensemble.

Nous espérions que notre récente action qui a conduit à la dénonciation de la politique du handicap de la France par le Conseil de l’Europe, serait une alerte forte. Le résultat est le même : à ce jour, aucune mesure d’ampleur n'a été engagée par notre pays.

Réponses déconnectées des attentes

Depuis des décennies, nous demandons aux pouvoirs publics d’investir pour garantir des accompagnements de qualité dans le respect des souhaits et des besoins des personnes en situation de handicap. Nous demandons que les besoins de leurs familles soient pris en compte comme tout citoyen. Nous expliquons aux décideurs publics, également financeurs de la solidarité, qu’investir dans les métiers du prendre soin, si on ne raisonnait pas à court terme, coûterait bien moins cher à la société.

12 millions de personnes en situation de handicap, 9 millions d’aidants et plus d’un million de professionnels attendent des pouvoirs publics un cap, une vision et des mesures concrètes pour répondre à leurs difficultés quotidiennes.

Nous attendons des engagements, des réponses fortes et de véritables investissements pour nos concitoyens – sans oublier personne. Il est bien de la responsabilité de l’État de permettre aux acteurs du prendre soin, d’agir pour tous les citoyens concernés.

Ce dernier dispose des données nécessaires, cependant ses dysfonctionnements, l’absence de vision à long terme et de coordination des acteurs publics ont pour conséquence des réponses totalement déconnectées des attentes.

C’est là, la première forme de maltraitance pour les personnes concernées : elle commence dès les premiers jours de leur vie. Certes, le handicap est un écosystème complexe mais vous, décideurs publics, ne préférez-vous pas cacher ce monde que vous ne sauriez voir ?

* Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction du Media Social.

LucGATEAU
Président de l'Unapei (Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales)
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