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Le Media Social - A chaque acteur du social son actualité

Interview13 novembre 2020
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Vincent Meyer : « Le temps du travail social n’est pas celui du clic »

Le sociologue et professeur en sciences de l’information à l'Université Côte d’Azur, Vincent Meyer, participera au webinaire sur le numérique en travail social organisé, mardi 17 novembre, par l'IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne et Le Media social. En attendant, il revient pour nous sur les grands enjeux du moment.

Le travail social est-il en retard en matière de transition digitale ?

Vincent MeyerLa prise de conscience de ce retard est aujourd’hui largement rattrapée, pas seulement à cause de la crise sanitaire. Nous avons à faire à des technologies pervasives, autrement dit qui s’infiltrent partout, qui sont présentes de manière foisonnante dans nos vies, dans notre imaginaire. On note sur une courte période une accélération de cette prise de conscience.

Quel que soit le secteur professionnel, de la petite enfance au grand âge, plus personne ne pense aujourd’hui le développement social sans lien avec les technologies numériques. Le champ du travail social dans son ensemble s’est réemparé d’un certain nombre de questions. Bien que l’innovation soit fulgurante, on remarque que progressivement, avec les réflexions sur les médiations, sur l’inclusion numérique, les travailleurs sociaux commencent à mettre la réflexion avant le réflexe. Et c'est une bonne chose car le temps du travail social n’est pas le temps du clic.

Cette réflexion n'était pas présente avant ?

V. M.Au départ, on formait surtout les équipes aux outils de bureautique, la transition digitale et l’inclusion numérique n’étaient pas frontalement abordées. C’est paradoxal parce que dès les années 60/70, on pensait déjà l’informatique. Il y a toujours eu cette préoccupation d’équiper la relation à l’autre, préoccupation qui s’est accélérée aujourd’hui avec les technologies numériques.

Ensuite, dans le champ du travail social et médico-social, l’informatique de gestion est arrivée, ce que j’appelle la logicialisation, avec des normes de gestion, de contrainte budgétaire, des logiques très managériales, avec l’idée que le logiciel permettrait au social de se mettre en données pour mieux en saisir l’utilité et les coûts. Les évaluations et autres démarches qualité permettent de laisser une trace et d’avoir une visibilité de l’activité.

Quelle marge de manœuvre reste-t-il au travailleur social dans ce schéma ?

V. M.Dans ce que j'appelle cette plateformisation, le travailleur social a plus que jamais sa place. Il a une conscience relationnelle que ne peuvent pas avoir les algorithmes. Il doit prendre sa marge de manœuvre, faire valoir son droit à la déconnexion, assumer une forme de sobriété numérique, s’autoriser à dire qu'il « voit les choses autrement » ou qu’il « est trop sur son écran ». Dans la conscience qu'il a de la relation avec les personnes vulnérables, il va avoir un certain nombre de réflexes et saura faire preuve de discernement. 

Les technologies numériques accompagnent aussi la désinstitutionnalisation, dîtes-vous ?

V. M.Un des scénarios d’évolution, parmi les possibles, est que le débat sur la désinstitutionnalisation, déjà ouvert et avancé dans différents pays européens, s'impose encore plus en France à la faveur du développement des technologies numériques. On est dans le tournant du virage domiciliaire, cela signifie que le domicile pourrait devenir le lieu où se pensent les futures interventions sociales de manière plus importante qu’aujourd’hui, ce grâce à la dématérialisation, aux consultations à distance, aux objets connectés, aux assistants vocaux, etc.

Progressivement tous les services qui étaient dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) vont être déplacés hors des murs dans les lieux de vie des personnes. Et encore plus en période de confinement.

Justement, quel premier regard porté sur l’accélération des usages numériques durant cette crise sanitaire ?

V. M.Je ne sais pas encore répondre à cette question. Mais c’est vrai que j’en deviendrais presque techno béat au regard de tout ce que ces technologies numériques nous apportent en termes d'accès aux droits sociaux, de recherche d'emploi, de formation, de télétravail, etc. Elles deviennent vitales pour penser l’évolution du cadre de vie. Que ferions-nous sans elles ? 

Comme je n’ai pas encore réalisé d’études à ce sujet avec les travailleurs sociaux, je reste extrêmement prudent. Avec tout ce travail à distance, comment ne pas penser que c’est aussi un contrôle à distance du travail. Dans un secteur social où il faut assurer une continuité de la prise en charge, il y a une vraie praticité des usages, mais quid du lien social ?

Il faudra demander aux professionnels comment ils ont donné accès aux outils ? Quels ont été leurs usages ? En quoi ça leur a apporté quelque chose ? Ce sera un très beau terrain d’étude et il faudra tirer des conclusions des périodes post-sanitaires. Cette crise est un accélérateur de toutes les transitions.

Inscrivez-vous gratuitement à notre webinaire du 17 novembre

L'IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne et Le Media social s'associent pour vous proposer quatre webinaires gratuits sur le « numérique en travail social » (Numets).

Le premier séminaire, consacré à l'évolution de la relation socio-éducative provoquée par le développement des outils numériques, se tiendra en ligne mardi 17 novembre 2020 de 15h30 à 17h.

Il sera animé par Alexis Mombelet, formateur à l'IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne, et Linda Daovannary, rédactrice en chef actualités du Media Social. Avec trois intervenants : Benjamin Bitane, responsable du pôle formation chez Emmaüs Connect ; Nicolas Leprêtre, chargé de mission prospective des politiques publiques (Métropole de Lyon) ; et Vincent Meyer, sociologue, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication – Université Côte d’Azur (UCA).

Les échanges s'organiseront en trois temps :

  1. Quel a été l'impact du confinement sur les usages numériques avec les personnes accompagnées ? De nouvelles pratiques nées dans l’urgence se sont-elles « installées » ?
  2. La relation d'accompagnement est-elle modifiée par les outils numériques ? Pour le meilleur (émancipation, accès aux droits, pouvoir d’agir, participation) ou pour le pire (déshumanisation, creusement des inégalités) ?
  3. Les travailleurs sociaux sont-ils préparés à des relations « numériques » avec les personnes accompagnées ?

📌 Inscrivez-vous à notre premier webinaire du 17 novembre « Le numérique dans la relation d’accompagnement socio-éducatif » afin de pouvoir y assister en direct ou le visionner plus tard en replay.

📌 Le second webinaire aura lieu le 1er décembre 2020 de 15h30 à 17h et portera sur « Le numérique dans l’organisation du travail social ».

📌 Vous êtes par ailleurs invités, si vous le souhaitez, à répondre à un questionnaire en ligne sur vos pratiques professionnelles en matière de numérique, dont les résultats seront dévoilés lors de notre webinaire du 15 décembre 2020.

Propos recueillis par LindaDAOVANNARY
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