menuMENU
search

Le Media Social - A chaque acteur du social son actualité

Article19 juin 2023
Réagir
Réagir
Imprimer
Télécharger

Travail social : ce que la Seine-Saint-Denis ramène du Québec

Voici un mois, une vingtaine de professionnels de Seine-Saint-Denis, travailleurs sociaux et responsables de l'ESS, sont revenus d'un voyage au Québec où ils ont découvert une vision différente de l'action sociale. Ils nous livrent leurs réflexions, avec la volonté de faire évoluer les pratiques en France.

« Nous voulons faire évoluer nos politiques d'une logique d'insertion à une logique d'inclusion. Aussi, nous serons très attentifs aux retours des participants. » Dans nos colonnes, la vice-présidente de la Seine-Saint-Denis (93) en charge des solidarités et de la santé, Magalie Thibault, expliquait les retombées qu'elle espérait du voyage auquel participaient, des agents du département.

Un mois après leur retour de la Belle Province, nous proposons trois vidéos réalisées par La Compagnie générale des autres (CGA), organisatrice du séjour, et trois regards de voyageurs sur les structures québécoises. Avec cette question fil rouge : les démarches d'outre-Atlantique peuvent-elles permettre de renouveler les pratiques sociales françaises.

Interview vidéo de Charles Lamontagne, coordonnateur du Centre intégré universitaire de santé et services sociaux (Ciusss) de l'Estrie

Ce qu'en pense...

Laura Ribeiro* : « On cherche des réponses collectives »

Avant de parler du Centre intégré universitaire de santé et services sociaux (Ciusss), je voudrais revenir sur les motivations que j'ai développées pour participer à ce voyage [le département avait demandé à chaque agent volontaire de justifier sa candidature, NDLR]. Depuis toujours, à une époque où j'étais assistante sociale, j'avais une appétence pour le travail communautaire. Mon objectif au conseil départemental est d'accompagner les équipes pour développer l'approche collective.

Ce qui m'a beaucoup intéressée dans le fonctionnement du Ciusss, c'est le fait que les assistants sociaux soient intégrés à l'approche de santé dans une acception complète. Ils sont donc reconnus comme des professionnels qui aident véritablement la personne au même titre que les autres. Au Québec, ils ont bien compris qu'une difficulté sociale peut avoir des incidences graves sur la santé. Voilà pourquoi le Ciusss cherche à installer des filets de protection autour des personnes en difficulté.

Organisateur communautaire

Le Québec est sorti d'une approche individualisée pour proposer des regards sur les communautés locales. On travaille vraiment sur les problématiques propres à un quartier. Cela favorise la connaissance des autres partenaires, notamment de l'économie sociale et solidaire (ESS). J'ai également été très intéressée par les logiques de « meeting out » ou d'aller vers. L'objectif principal est de chercher des réponses collectives. Et ils ont ainsi créé le métier d'organisateur communautaire qui joue ce rôle de pivot entre toutes les parties prenantes, les institutions, les associations et les habitants.

Ce que j'en retiens pour la Seine-Saint-Denis ? Il faudrait s'inspirer de l'approche communautaire et dès lors, créer des postes de coordinateurs de l'action sociale. Il faudrait aussi lever certains freins. Par exemple, financer des projets sans attendre forcément le résultat des appels à projet. Il importe de simplifier les procédures. Aujourd'hui, nous sommes en recherche permanente de projets innovants. Mais il en existe plein déjà sur les territoires. Il faut valoriser ce qui existe déjà.

* Conseillère technique dans le 93 en charge des questions de logement, hébergement et précarité énergétique.

Interview vidéo de Pierre-Paul Malenfant, président de l'Ordre des travailleurs sociaux

Ce qu'en pense...

Hawa Thiam Boye* : « L'ordre professionnel, c'est génial »

J'ai souhaité participer à ce voyage pour découvrir tout ce qui est novateur au Québec. Moi-même, je travaille avec trois autres collègues AS, une conseillère en insertion et une écrivaine publique en direction des publics en errance, essentiellement des personnes vivant à l'hôtel. L'objectif est d'orienter ces populations vers les services existants.

L'ordre professionnel, j'ai trouvé cela génial. Pour plusieurs raisons : les professionnels sont protégés ; on peut faire remonter les bonnes idées ; l'ordre propose une interface entre le terrain et les décideurs. Mais en même temps, il faut reconnaître que cela peut être une contrainte pour les professionnels car ils ont l'obligation, pour travailler dans des services officiels, de s'affilier et de payer une cotisation. D'autre part, il est regrettable que les éducateurs spécialisés ou les éducateurs de jeunes enfants – considérés comme des intervenants sociaux – ne puissent adhérer à cet ordre professionnel.

Se poser la question de la formation continue

Est-ce que cette solution serait intéressante en France ? Elle permettrait de véritablement représenter les travailleurs sociaux vis-à-vis des pouvoirs publics. C'est important en cette période où la question du sens du travail social se pose. Un ordre professionnel permettrait de se reposer les fondamentaux du métier et de prendre en compte les évolutions nécessaires.

Je pense que l'on doit se poser la question de la formation continue qui est une obligation au Québec. Sans que ce soit une contrainte (cela ne marcherait pas), je pense qu'il faut fortement inciter les professionnels à se mettre à jour.

* Assistante sociale (AS) dans le 93, chargée des publics en errance.

Interview vidéo de Yves Bellavance, coordonnateur de la coalition montréalaise des tables de quartier

Ce qu'en pense...

Frédéric Willemart* : « Le Québec donne des moyens pour la coconstruction »

Pourquoi la table de quartier m'intéresse ? TerraVox propose une sensibilisation, un diagnostic et une formation professionnelle sur l'économie circulaire. On essaie nous aussi de mettre autour de la table tout le monde : les bailleurs, les élus politiques, les associations, etc. Mais en France, ces démarches sont assez nouvelles. Et puis, les appels à projet sont souvent très complexes avec des tas d'explications à fournir.

Au Québec, c'est un fonctionnement institutionnalisé avec des agents publics formés à ce travail de concertation et de coconstruction. Ils ont vraiment les moyens de travailler et peuvent le faire dans la durée (nous avons parfois des financements dans un quartier pour simplement une année). Je constate également que le Québec a une vraie vision de la prévention de la santé intégrant les dimensions de qualité de la vie.

Vision hospitalo-centrée de la santé

En France, nous devons sans cesse faire du reporting, nous justifier alors qu'au Québec, les acteurs n'ont pas à se justifier. Cependant, heureusement, les choses commencent à changer chez nous : les pouvoirs publics s'intéressent davantage au capital social des individus, leur capacité à nouer du lien social. L'enjeu est de sortir d'une vision très hospitalo-centrée de la santé.

Si je puis oser une comparaison, le programme Territoires zéro chômeur de longue durée s'apparente un peu aux tables de quartier du Québec par la volonté d'investir dans l'accompagnement des gens en difficulté plutôt que de financer le chômage.

* Directeur général de TerraVox, une entreprise de l'ESS qui accompagne notamment le changement sur la réduction et le tri des déchets.

NoëlBOUTTIER
ABONNEMENT
Accédez à l'intégralité de nos contenus
  • Articles & brèves
  • Vidéos & infographies
  • Longs formats & dossiers juridiques
  • Reportages & enquêtes
Découvrez nos offres