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Article16 juillet 2019
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Protection de l'enfance : la participation pour de vrai

Tout le monde a à la bouche le mot de participation des familles et des enfants. Mais comment sortir de l'incantation pour entrer dans le vif du sujet ? Décryptage de trois expériences présentées lors des assises de la protection de l'enfance à Marseille.

Il est un moment où il faut passer aux travaux pratiques, où il faut se coltiner la dure réalité des résistances humaines, organisationnelles pour avancer. En protection de l'enfance - secteur secoué de toutes parts - le temps serait-il venu d'avancer sur le chemin de la reconnaissance de la participation des familles et des enfants ?

Les 30 ans de la Cide

A constater l'intérêt pour cet atelier proposé lors des assises de Marseille de la protection de l'enfance (4 et 5 juillet), on peut se dire que les professionnels ont plus qu'un intérêt poli pour la question : ils se demandent comment mettre les mains dans le cambouis. Le faire en 2019 a d'autant plus de sens que l'on fête cette année les trente ans de la Convention internationale des droits de l'enfant (Cide) avec un article 12 selon lequel il faut rendre possible la participation des enfants aux projets de l'établissement.

Reconnaître les savoirs

Psychologue au conseil départemental des Pyrénées Orientales, Noëllie Greiveldinger a été formée par le mouvement ATD Quart Monde au croisement des savoirs. Avec cette question de fond : « comment permettre aux personnes exclues de participer ? » L'important est donc de reconnaître l'existence d'un savoir chez ceux qui semblent ne pas en disposer et de le confronter avec d'autres savoirs. Il faut impérativement éviter toute position de supériorité entre ceux qui sauraient beaucoup de choses et ceux qui ignoreraient tout.  

Travailler les divergences

En Italie, la sociologue Paola Milani a été à l'origine d'un programme d'accompagnement à la parentalité. Six mille professionnels ont été formés depuis 2011. Elle insiste sur l'importance de « prendre des décisions partagées ». Sinon, souligne-t-elle, « on écoute et après on décide seul. »  Cela suppose de « travailler les divergences », explique l'Italienne.

L'évaluation externe comme point de départ

Ne pas avoir peur de mettre sur la table les divergences... l'établissement de Chartres de la Fondation Grancher (placement familial spécialisé) a fait ce pari. Dans le cadre d'une évaluation externe, les professionnels ont souhaité recueillir la parole des enfants accueillis. Un questionnaire a été proposé à ceux-ci. Les choses se sont matérialisées avec la constitution voici trois ans des Copil'Hôtes, des groupes de douze jeunes âgés de 11 à 21 ans qui choisissent librement les thèmes sur lesquels ils veulent réfléchir et faire des propositions.

« Beaucoup de personnes parlent en notre nom »

Sofiane, particulièrement à l'aise devant des centaines de personnes, raconte que son Copil'Hôte s'est penché sur le problème du harcèlement scolaire. « Cela ne concerne pas que les enfants placés », précise-t-il en ajoutant : « Beaucoup de personnes parlent en notre nom. » Pour informer les autres enfants qui ne participent pas aux réflexions, divers moyens de communication sont déployés : flyers, panneaux d'affichage, boîte aux lettres, etc. La dynamique de la participation n'est pas près de s'arrêter... 

Lutter contre l'absentéisme

À Pontcharra, petite ville désindustrialisée de l'Isère, les écoles étaient confrontées à des problèmes d'absentéisme. Les parents, souvent chômeurs, n'arrivaient pas à réveiller des enfants qui se couchaient trop tard. A l'initiative du Rased (réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), l'ensemble des structures éducatives et sociales se met autour de la table pour essayer de trouver des solutions. « On joue ensemble à l'école » : ce programme éducatif proposé dans les écoles permet de mieux impliquer les familles à l'éducation de leurs enfants.

Antidote à la démoralisation

« Le jeu permet de créer un espace d'échange », souligne la psychologue Noëllie Greiveldinger. « Travailler ensemble, ça évite la démoralisation », estime Maryse Charmet, rééducatrice au Rased de Pontcharra. Sur le secteur, les assistantes sociales ont constaté une réduction du nombre d'informations préoccupantes.

Pouvoir d'agir des familles

Autre expérience, tout au nord du pays. La Sauvegarde du Nord s'est lancée dans l'aventure des conférences familiales. Inspirée d'une pratique des Maoris océaniens, cette pratique vise à chercher une solution à un problème familial au sein même de cette famille - au sens large puisque peuvent être inclus les amis proches, les voisins. Il s'agit en clair d'activer le pouvoir d'agir de la famille.

Trois étapes

Les professionnelles de la Sauvegarde du Nord

Professionnelle à la Sauvegarde, Laurie raconte les diverses étapes de ces conférences qui ont démarré en 2017. « Dans un premier temps, on rencontre les différents membres de la famille pour leur faire partager l'intérêt de cette démarche. Ensuite se déroule la conférence pendant deux à trois heures, avec un temps où la famille se retrouve seule sans les professionnels. Enfin, une personne de la famille se fait la porte-parole de la solution qui a été trouvée. » La solution proposée doit être acceptée par le référent de la famille et le coordinateur lors de la restitution.

Réduire le nombre des placements

« C'est un vrai changement de posture du travail social », estime Fabienne Lemaire, directrice du pôle protection de l'enfance. Dans un premier temps, huit professionnels de la Sauvegarde et autant du département du Nord ont été formés pour animer ces conférences, pour l'instant limitées à la région de Dunkerque. L'objectif est d'éviter dans la mesure du possible des placements et également de réduire le temps d'attente avant la mise en œuvre d'une mesure AEMO (action éducative en milieu ouvert)

Des excuses pour redémarrer

« Par exemple, nous avions une famille déficiente intellectuelle. Se posait un problème de sécurité pour l'enfant de quatre ans. La mobilisation de la famille et des proches a permis de déboucher sur un planning très précis pour épauler le couple. » Fabienne Lemaire donne un autre exemple : un jeune de 17 ans était en échec dans ses placements. Il avait été victime d'une agression sexuelle pour son frère aîné. La conférence familiale a été l'occasion pour le frère agresseur de présenter ses excuses à son benjamin. Lequel a accepté ensuite de s'engager dans une thérapie. 

Retrouver du sens au travail social

Conclusion de la responsable de la Sauvegarde : « Pour mener à bien cette initiative, les travailleurs sociaux doivent lâcher prise et laisser de la place aux autres. Il faut faire confiance aux familles qui ont plein de ressources. »  Autre conclusion, celle de la psychologue : « Toutes ces démarches permettent de retrouver du sens au travail social et de diminuer les souffrances. » 

NoëlBOUTTIER
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