menuMENU
search

Le Media Social - A chaque acteur du social son actualité

Article12 juin 2020
Abonnés
Réagir
Réagir
Imprimer
Télécharger

Philippe Toulouse, l'éducateur sans peur

Notre série "En quête de sens" s'intéresse à la trajectoire singulière de travailleurs sociaux désireux de partager leurs découragements et leurs enthousiasmes. Éducateur spécialisé, investi auprès des personnes sans abri, Philippe Toulouse a toujours vécu son métier comme un engagement militant. Il en a fait un livre, dans lequel il lance notamment l'alerte sur le "business de la détresse".

Philippe Toulouse met le pied dans le social en tant que moniteur éducateur, il y a presque trente ans. Il prend son premier poste à l'Association action éducative de Dunkerque (AAED), qu'il ne quittera pas jusqu'à aujourd'hui.

Spécialisée en protection de l'enfance, l'association se voit alors confier une autre mission : celle de faire le lien entre le centre communal d'action sociale (CCAS), chargé du suivi des personnes allocataires du RMI (revenu minimum d'insertion, ex-RSA), et un public particulièrement vulnérable et éloigné des services sociaux : les sans-abri.

Premiers morts de la rue

Philippe Toulouse est le premier à travailler sur cette mission : « Je mets en place des maraudes pédestres pour aller à leur rencontre, tous les jours, toute l'année. Avec le but de ne pas avoir une approche urgentiste mais sociale : recréer du lien avec ceux qui refusent toute action sociale. »

C'est à cette époque qu'il est confronté à ses premiers morts dans la rue, ou plutôt par la rue. « Je m’aperçois que ceux qui meurent dans la rue sont les personnes vieillissantes qui sont très peu à se rendre dans les structures d’hébergement d'urgence. J'entends dire "ils font le choix de rester dans la rue". Mais ils n'ont pas le choix ! », s'indigne le travailleur social.

« La rue devient leur seul et unique lieu d'existence, avec ses repères, ses codes. Ils se sentent plus en sécurité à la rue ou dans les squats. En plus, nombreux sont ceux qui vivent avec des animaux qui ne sont pas acceptés dans les centres. Les structures ont du mal à créer un lien avec ces invisibles, donc ce sont eux qu'on retrouve morts. »

Un sujet tabou ?

Philippe Toulouse est amené à reconnaître les corps de ces personnes retrouvées sans document d'identité. Au cours de sa carrière, il sera confronté soixante-dix fois à cette épreuve insoutenable. Sa colère monte, son envie d’interpeller aussi. « Au départ, j'étais un petit éducateur comme tous les autres, avec un seul but : ne pas gérer la misère mais la combattre, comme le dit très bien l'Abbé Pierre. J'en avais marre de voir les gens mourir, alors qu'on pouvait l'éviter », raconte-t-il.

Il écrit alors un projet de maison relais, spécialement adapté aux sans-abri vieillissants, qu'il souhaite voir porter par son association. « Je commence à parler des conditions de vie de ces invisibles dans les médias, les réunions publiques. Et je me rends compte que je dérange. Apparemment, le sujet était tabou. Je ne comprenais pas le silence des associations. »

La liberté est un combat. Il était hors de question que je renonce