En matière de souffrance au travail, le secteur de l'économie sociale et solidaire n'a semble-t-il rien à envier aux entreprises du CAC 40. La journaliste Pascale-Dominique Russo a mené l'enquête auprès de salariés engagés, usés et désabusés.
Malgré les causes qu'elles défendent, les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) ne font pas office de bonnes élèves en matière de bien-être au travail. Associations, mutuelles, coopératives et fondations ont, elles aussi, leur lot de management au résultat, de conflits et de burn-out. C'est en tout cas ce que s'attache à démontrer Pascale-Dominique Russo dans son essai Souffrance en milieu engagé, à paraître le 20 février.
Les témoignages de salariés ou anciens salariés du secteur rendent compte d'une réalité bien éloignée de l'eldorado fantasmé par les actifs, jeunes comme expérimentés, en quête de sens. Conseil d'administration déconnecté des réalités du terrain chez France Terre d'asile, logique de « gourou » au groupe SOS, chicanes entre bénévoles et salariés chez Emmaüs… L'envers du décor ne fait pas rêver.
Une conséquence de la mise en concurrence
Selon Pascale-Dominique Russo, les causes de ce mal-être sont à rechercher, entre autres, dans la logique de concurrence dans lesquelles sont placées toutes ces structures - pourtant non lucratives - dans un contexte de baisse des subventions publiques.
L'État privilégie aujourd'hui le recours aux appels d'offres, et « comme la puissance publique cherche à payer le moins cher possible, les appels d'offres mettent clairement les associations en concurrence ». C'est donc le moins disant qui l'emporte. Et les plus grandes associations, dotées d'équipes dédiées à la très chronophage course aux marchés publics, raflent la mise. Les équipes tournent à plein régime, les salariés s'épuisent, déchantent et quittent le navire.
Décalage entre les idéaux et les conditions de travail
Ce qui transparaît surtout à la lecture de ces témoignages, c'est le décalage entre les idéaux de salariés engagés, qui ont souvent fait des concessions - salariales notamment - pour rejoindre une structure porteuse de sens, et leurs conditions de travail.
Pascale-Dominique Russo révèle d'ailleurs que les convictions des salariés peuvent se retourner contre eux, à l'embauche lors de la négociation de leur salaire (« on ne peut pas tout avoir »), mais aussi pour justifier leurs conditions de travail, leurs soucis n'étant rien comparés à l'importance de la cause défendue.
Une enquête édifiante donc, qui pourra même dissuader quelques vocations. Mais une fois le problème posé, reste la question des solutions qu'on peut y apporter et, sur ce point, l'ouvrage est plus expéditif, au risque de laisser le lecteur sur sa faim.
« Souffrance en milieu engagé : e nquête sur des entreprises sociales », de Pascale-Dominique Russo, éditions du Faubourg, 180 pages, 18 €.