Dans un petit village de Corrèze, un couple de professionnels de la protection de l’enfance a créé un lieu de vie intergénérationnel mêlant jeunes placés par l’aide sociale à l’enfance et personnes âgées. Un pari qui ne fonctionne pas encore à plein - faute de financements et d'effectifs suffisants - mais produit déjà un échange gagnant-gagnant.
Il est midi dans le village de Bonnefond, en Corrèze. Jacky, 81 ans, descend déjeuner, pile à l’heure comme chaque jour. Il réside à l’étage au-dessus du « café des sympathisants », le point de ralliement des jeunes et moins jeunes qui vivent dans ce lieu de vie intergénérationnel, et des habitants et/ou bénévoles de passage.
C’est mercredi : une partie des 10 jeunes placés par l’aide sociale à l'enfance (ASE) est là. Ils aident Philippe Saint Marcoux, cofondateur du lieu avec Florence, sa femme, à préparer le repas pour les convives du jour. Ça discute, ça rit… Axel, qui revient d’une audience avec Élodie, l’une des éducatrices spécialisées, part discrètement faire un câlin au chien pour se ressourcer avant de rejoindre le petit groupe. Dans ce lieu qui respire la bienveillance, on est bien loin des images et des récits sordides que l’on entend sur les foyers où séjournent des jeunes placés ou sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées (Ehpad) « mouroirs ».
Un couple engagé

Cette structure unique en France, inaugurée en 2019, est née de la persévérance sans faille de Florence et Philippe Saint Marcoux, qui ont créé il y a 10 ans l’association LIVE (lieu intergénérationnel de vie ensemble). Florence travaille depuis 30 ans dans la protection de l’enfance : « Trop souvent les gens sont dans des cases – les jeunes en foyer, les seniors en Ehpad… Le système classique de la protection de l’enfance ne fonctionne plus », résume-t-elle.
Une synergie
De son côté, après une carrière de sommelier et de restaurateur, Philippe est devenu assistant familial mais il a estimé la formation trop légère pour bien accompagner les enfants de cette façon. Il a validé un diplôme universitaire « Adolescents difficiles », et avec Florence, ils ont repris de 2012 à 2016 un lieu de vie et d’accueil dans le Maine-et-Loire. « Dans ce lieu, j’ai eu l’occasion d’accueillir ma grand-mère : j’ai remarqué que les enfants étaient plus à l’écoute avec elle, et elle prenait du plaisir à leur apprendre des choses. C’est une synergie : le vivre-ensemble porte les jeunes pour acquérir des compétences, et les seniors pour conserver les leurs ».
L’idée d’un lieu intergénérationnel fait son chemin. Tous deux attachés à la Corrèze, ils cherchent un endroit où installer leur projet et le trouvent par hasard à Bonnefond, où des bâtiments sont à vendre. Le maire de l’époque est enthousiasmé par l’idée. Les habitants, beaucoup moins.
Chacun son espace
