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Interview25 mai 2020
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Handicap psychique : « la crise sanitaire a conforté la légitimité du job coach »

Durant le confinement, l'association Working first 13 a réuni, lors de deux visioconférences, une dizaine de services d'emploi accompagné de toute la France. Cette nouvelle façon de partager les pratiques, bousculées pendant l'épidémie, devrait se pérenniser, explique Frédéric Debroas, job coach et chargé de développement.

Comment avez-vous eu l'idée de rassembler les professionnels des dispositifs d'emploi accompagné (1) en visioconférence ?

Frédéric Debroas DR

Frédéric Debroas Nous en avions l'envie depuis longtemps et la crise nous a permis de le faire. En plus de notre activité de job coaching, nous formons des équipes de toute la France au modèle IPS (Individual placement and support), une méthode d'accompagnement en emploi basé sur le rétablissement des personnes souffrant de troubles psychiques. La volonté de se retrouver pour échanger, de créer une communauté autour de ce modèle était en gestation. Avec le confinement, nous avions plus de temps et nous nous sommes lancés.

La richesse des échanges nous a donné l'idée de les restituer via une newsletter que nous avons largement diffusée [voir en pièce jointe]. Ce qui a donné lieu à de nombreux retours positifs de la part des acteurs de l'insertion ou de la santé. Une deuxième newsletter est en cours de finalisation.

Qu'est-il ressorti de ces rencontres ?

FDNos discussions ont d'abord porté sur le vécu des personnes accompagnées pendant le confinement. Globalement, un tiers d'entre elles étaient en poste à cette période et la plupart se sont retrouvées au chômage partiel. Nous avons tous constaté que leurs réactions étaient très diverses : celles qui vivaient déjà de façon isolée en temps normal, étaient plutôt à l'aise avec la situation. Pour d'autres, cela a généré au contraire une grande anxiété avec des crises allant parfois jusqu'à l'hospitalisation.

Comment les services ont-ils accompagné les personnes ?

FDL'activité économique étant à l'arrêt, la question de l'emploi est devenue secondaire. Du coup, les job coach ont élargi leurs modalités d'action en apportant un soutien psychologique aux personnes : ils les ont aidées à organiser leur temps, à occuper leurs journées. En contact régulièrement avec elles, nous avons parfois eu l’impression de vivre cette situation extraordinaire ensemble, de faire communauté. Les job coach et les personnes accompagnées ont pu échanger sur leurs vécus réciproques, en touchant parfois l’intime. Cette nouvelle proximité devrait améliorer l'alliance de travail à l'avenir.

Les équipes ont fait preuve d'innovations...

FDCertains professionnels ont créé des blogs et des pages Facebook pour lutter contre l'isolement et favoriser l'échange entre pairs. D'autres ont mis en relation des personnes ayant des aspirations communes : par exemple un graphiste et un développeur web, tous deux accompagnés, ont été présentés pour travailler un projet commun.

Autre nouveauté : le lancement de formations à distance. Ainsi un job coach ancien cuisinier a donné des cours de cuisine en visio à une personne accompagnée dont le projet est de travailler dans la restauration. Les professionnels ont aussi guidé les personnes à s'approprier les outils numériques et les ont entraînées à la recherche d'emploi en ligne, contribuant ainsi à l'acquisition de nouvelles compétences.

Les personnes étaient-elles équipées ?

FDPas toutes et la crise a révélé les inégalités numériques qui frappent ce public. À Marseille, nous nous sommes rapprochés pour la première fois d'Emmaüs Connect qui nous a fourni des smartphones avec connexion Internet pour les personnes accompagnées.

Cette période a donné lieu à la création ou au renforcement des liens avec les acteurs du territoire...

FDOui en particulier avec les conseillers Cap emploi qui sont souvent démunis face au handicap psychique. Alors que nous avons souvent du mal à les contacter, là c'est eux qui nous ont appelés pour nous mettre en relation avec des personnes en recherche d'emploi.

Le confinement a aussi été propice aux échanges avec les partenaires de la santé (centres médico-psychologiques, équipes mobiles de psychiatrie, dispositif Un chez soi d'abord, service de réhabilitation psychosociale) : nous avions tous probablement plus de temps pour nous parler et avons pu coordonner des actions, en particulier dans certaines situations critiques. À Marseille, nous sommes intervenus lors d'une fugue d'une personne hospitalisée ou encore pour porter un colis à une autre pendant son séjour à l'hôpital...Le rôle de pivot du job coach dans la coordination avec les équipes médico-sociales a trouvé son sens dans la crise !

Quid des relations avec les employeurs ?

FDCertains chefs d'entreprise étaient aux abonnés absents pendant le confinement. Mais ceux que les professionnels ont pu joindre se sont montrés plus à l'écoute que d'ordinaire, ce qui a donné lieu à de fructueux échanges sur les questions de santé mentale. Dans le contexte, ce thème était facile à aborder et la légitimité de l'intervention du job coach s'est vue confortée.

Dans certains cas, les échanges en visioconférence avec les employeurs ont instauré une relation plus horizontale. Alors que le job coach est souvent en position de demandeur, cette situation où chacun voit l'intérieur du domicile de l'autre, a instauré un contact d'égal à égal. On peut espérer que ces échanges qui nous ont rapprochés, vont poser les bases d'une collaboration de plus grande proximité.

Comment s'annonce le déconfinement ?

FDLa période suscite beaucoup d'angoisses chez les personnes accompagnées, notamment du fait des annonces parfois contradictoires du gouvernement. Sans compter l'inquiétude liée à la situation économique du pays. Certaines ne vont pas rechercher d'emploi dans l'immédiat. Nous avons repris les entretiens de façon progressive : nous rencontrons d'abord celles qui sont dans le dispositif depuis peu de temps ainsi que celles qui ne vont pas bien. Nous reprendrons les entretiens avec les personnes en poste dans un second temps.

Les services d'emploi accompagné ont su tirer profit de la crise...

FDAu départ, nous avons eu peur d'être inutiles car notre accompagnement est basé sur la rencontre, le contact. Or malgré la distance sociale, nous avons réussi à proposer des services aux personnes. Les dispositifs d'emploi accompagné vont tirer des enseignements de cette période, en poursuivant les initiatives type page Facebook ou formation à distance. Côté partenaires, nous espérons que les contacts noués ou renoués, en particulier avec certains employeurs, faciliteront les échanges à l'avenir.

Allez-vous poursuivre ces visioconférences ?

FDOui, une nouvelle réunion est prévue en juin. À la faveur de la crise, ce nouveau mode de partage de pratiques s'est révélé particulièrement riche, nous espérons pérenniser cette démarche !

(1) Handamos, Dispositif emploi accompagné Bretagne, Girpeh, Job coach 53, Interface 37, Adapei 44, LAHSo, Esper pro.

NoémieCOLOMB
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