L'avenir du placement éducatif à domicile (PEAD) est scellé par la Cour de cassation. Il va laisser progressivement sa place aux mesures d'assistance éducative en milieu ouvert renforcée (AEMO-R). En conséquence, les services de PEAD doivent évoluer.
Le « placement éducatif à domicile » (PEAD), pratique éducative intermédiaire entre le maintien à domicile des enfants en danger et leur placement en institution, vit ses derniers moments.
En quoi consiste cette mesure ? Elle permet à un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) de « demeurer au domicile familial tout en bénéficiant d’une intervention éducative intensive et d’une possibilité d’hébergement d’urgence lorsque sa situation nécessite son retrait rapide et temporaire de son milieu familial », résume la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans une note du 7 mai 2025.
La Cour de cassation a, par un avis du 14 février 2024 et un arrêt du 2 octobre 2024 (confirmé en juin 2025), sonné le glas de cette mesure qui n’est pas reconnue par la loi. Elle estime en effet que le PEAD relève d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, renforcée ou intensifiée (AEMO-R/I), éventuellement avec hébergement, qui, elle, est consacrée par l’article 375-2 du code civil.
Conséquence : « l'ensemble des dispositifs de type PEAD doivent désormais être considérés […] comme des mesures d’AEMO-R », souligne la DGCS. Il faut donc s'attendre à une baisse du nombre de décisions prononçant un placement à domicile, au profit des mesures d'AEMO renforcée.
Ce faisant, les services de PEAD « perdent de leur utilité fonctionnelle », estime la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dans une note du 8 janvier 2025, et nécessitent une restructuration juridique. Laquelle prend la forme d'une transformation des services de PEAD en services d'AEMO.
La DGCS et la DPJJ ont donné les grandes lignes de cette restructuration. Et sans attendre, certains départements ont déjà lancé des démarches pour transformer les services de PEAD et accroître la capacité des services de leur territoire pour réaliser des mesures d'AEMO renforcée ou intensifiée, par le biais d'appels à projets notamment.
Pourtant, de nombreux professionnels de terrain souhaitent sauver le PEAD, en mettant en avant ses spécificités.
Pourquoi la mesure de PEAD a-t-elle été censurée par la Cour de cassation ? Pourquoi la considérer comme une mesure d'AEMO-R ? Quels sont les impacts concrets, sur les services de PEAD comme les services d'AEMO, des décisions de la Cour de cassation ? Ce dossier juridique fait le point.
1. Le PEAD, une pratique censurée
Les mesures de type « placement éducatif à domicile » sont nées du terrain il y a une quarantaine d'années. Pratiques protéiformes, elles n'ont pas de cadre juridique, ce qui explique leur censure par la Cour de cassation.
Définition
Mesure intermédiaire
Le PEAD est une « pratique éducative qui se développe depuis une quarantaine d’années dans de nombreux territoires, à l’initiative des conseils départementaux ou du secteur associatif habilité (SAH) », explique la DPJJ dans une note du 8 janvier 2025. Il s’agit d’une mesure intermédiaire entre le maintien à domicile et le placement en institution. Sa dénomination varie selon les départements – service d'accompagnement progressif en milieu naturel (SAPMN), service de placement intermédiaire et individualisé (SP2I), placement à domicile, etc.
Concrètement, l’enfant « placé à domicile » demeure chez ses parents, « tout en bénéficiant d’une intervention éducative intensive à domicile, à une fréquence pluri-hebdomadaire ». Un hébergement ponctuel et en urgence peut également être proposé au mineur en cas de danger nécessitant son retrait temporaire du milieu familial.
Accompagnement intensif
La présence intensive des professionnels est favorisée « par la grande amplitude d'ouverture de ces services en semaine (8 h-20 h, voire 7 h-21 h) », explique par ailleurs l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE).
En outre, un nombre restreint de situations est attribué au professionnel : « 6 à 8 en PEAD contre une trentaine en action éducative en milieu ouvert (AEMO) ».
Par ailleurs, cette présence s’organise autour d’« une permanence téléphonique, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, d’un responsable et la possibilité, pour un praticien, de se déplacer quelle que soit l’heure, en urgence, au domicile des parents ».
Cas de recours
Pour l'ONPE, le PEAD apparaît comme « une étape dans le parcours de protection de l'enfant » plutôt que comme une « intervention de démarrage ». Il est ainsi mobilisable pour plusieurs raisons : éviter un accueil en institution, préparer une séparation, accompagner un retour dans la famille, etc. Il est également recouru à cette solution après un échec du placement classique (en cas de fugues par exemple).
Selon les dernières données disponibles, en 2022, près de 7 % des mesures d'accueil étaient des PEAD.
Censure par la Cour de cassation
Toutefois, le PEAD n'est pas défini ni encadré par le code civil. Si, pendant longtemps, les juges des enfants ont prononcé de telles mesures, l'un d'entre eux s'est interrogé sur le fondement de cette pratique. C'est son interrogation qui a conduit la Cour de cassation à se positionner sur le sujet et, au final, à en marquer la fin.