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Reportage09 octobre 2019
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Dans un Ehpad 100 % en grève

Le troisième jour de grève depuis 2018 dans le secteur de l'âge, le 8 octobre, a rencontré un fort écho. L'approche de la loi sur le grand âge donne de la vigueur aux attentes de professionnels. Rencontres dans un établissement entièrement mobilisé.

Trop, c’est trop… Le secteur du vieillissement, qu’il intervienne en établissement ou au domicile des personnes âgées, n’en peut vraiment plus. Voici dix-huit mois, un mouvement insolite de grève porté par l’ensemble des syndicats s’exprimait, sans rencontrer l'écoute espérée, de la part des pouvoirs publics.

Troisième jour de grève

Là, nous voilà en octobre 2019 et les professionnels ont remis le couvert pour un troisième jour de grève. A la Cristolienne, Ehpad tout neuf et particulièrement bien aménagé basé à Créteil (Val-de-Marne), c’est bien simple : 100 % du personnel est en grève. Brassard jaune au bras, ou adhésif « en grève » sur la poitrine, tout le monde est pourtant au travail auprès des 90 résidents.

Pas de blouse

On rencontre d’abord Isabelle Aubois, cadre de santé du groupe ABCD qui gère, sous la férule de Pascal Champvert, cinq établissements publics dont celui de Créteil. Dans ceux-ci, personne ne porte de blouse, comme s’il fallait bannir toute dimension strictement sanitaire et faire vivre la dimension du lieu de vie.

Des recrutements de plus en plus difficiles

Isabelle Aubois explique : « 80 % de mon temps de travail en septembre a été consacré à constituer des plannings et à recruter des personnels. » Cela devient impossible, raconte-t-elle. Quand elle recherche des infirmières, elle ne reçoit aucun CV. Celles-ci préfèrent se diriger vers l’hôpital ou les établissements privés qui payent mieux.

Des entretiens d'embauche oubliés

Pour ce qui est des aides-soignants, la situation n’est guère plus brillante. La moitié des personnes qui répondent à une offre ne rappelle pas quand on les joint par téléphone ou « oublie » de venir à l’entretien. Quant à celles qui acceptent de venir à la Cristolienne, il n’est pas rare qu’elles ne reviennent pas le lendemain.

La globalité de la personne

Mais qu’est ce qui rend ce travail si difficile ? « Il faut s’occuper de la personne dans sa globalité, pas seulement de sa toilette », explique la cadre de santé. Elle parle aussi d’un rapport difficile avec les corps vieillis, amochés. Isabelle Aubois ajoute : « On travaille sur les envies des personnes ; cela demande beaucoup d’énergie. »

Qualité relationnelle

De l’énergie, il n’en manque pas à Nadia, aide-soignante arrivée en début d’année pour son premier job. Elle travaille au premier étage de l’établissement, réservé aux 26 résidents souffrant de troubles Alzheimer. « Au début, j’avais peur d’Alzheimer », confie-t-elle. Mais elle s’est adaptée. Ce qui l’intéresse dans son travail, c’est la « qualité relationnelle ». Mais elle constate ne pas avoir toujours les moyens d’être à la hauteur de la promesse faite aux résidents. Le manque de personnel est, pour elle, patent. Là où elles sont actuellement huit aides-soignantes pour s’occuper de ces 26 personnes très affaiblies, elles devraient être, selon elle, trois professionnelles supplémentaires. 

Une petite augmentation de salaire

Même si cette question vient après celle des effectifs, Nadia parle également de son revenu jugé trop faible. Elle gagne 1 535 euros en assurant un week-end sur deux. Elle n’est pas très gourmande : 1 700 euros lui iraient très bien.    

Besoin de stabilité

Annabelle, infirmière également à l’unité Alzheimer, fait ce 8 octobre sa première journée de grève. « Rien ne change ; à nous d’être acteurs du changement », dit-elle. Annabelle exprime elle aussi un mouvement de lassitude par rapport à une situation du personnel qui ne s’améliore pas. Dans le même temps, les résidents deviennent de plus en plus dépendants. « Nous sommes deux infirmières sur cet étage, explique-t-elle, alors que nous devrions être trois. Pour nous dépanner, nous accueillons régulièrement des vacataires ou des intérimaires qui souvent ne passent qu’une journée dans le service. Ce fonctionnement pose un vrai problème pour les résidents qui ont besoin de stabilité et de repères. » Sont-ils, à leur corps défendant, maltraitants ? « Je ne sais pas, répond-elle. En tout cas, on n’est pas forcément bien-traitants. »

Toute la société concernée

Pour Annabelle, « la société vieillissante n’est pas qu'une question de professionnels. Toute la société est concernée. » Et d’ajouter : « Demain, nous serons tous à la place des résidents. »  

NoelBOUTTIER
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