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Dans le travail social, les stéréotypes de genre toujours bien ancrés

Longs FormatsElsa GAMBIN09 novembre 2023
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Souvent considéré comme un milieu progressiste et ouvert, le milieu du travail social est en réalité très en retard dans ses réflexions autour de la question du genre. Cet impensé laisse libre cours à une reproduction des normes genrées, qui n'est pas sans impact sur les professionnelles, ainsi que les publics accompagnés.

« En centre de formation, l’intervenante explique que "dans une famille monoparentale avec une femme, c’est quand même important qu’un homme vienne en soutien pour poser le cadre. Il faut une figure paternelle" »

« Je suis éducatrice de jeunes enfants. Dans la même semaine, un agent d’accueil de jour m’a appelée "ma grande" et dit que "c’est normal que je fasse un atelier cuisine puisque je suis une femme" »…

« Je suis éducatrice en foyer. Un jour, une collègue me dit devant tout le monde "ton haut n’est pas adapté pour travailler avec des adolescents, c’est trop décolleté !" » … 

Désillusion totale

En 2022, Laure-Anna Galeandro-Diamant, éducatrice spécialisée, a créé un compte Instagram pour rendre visibles les agissements sexistes dans le travail social, via le recueil de témoignages. Capture du compte « Travail social sexiste »

Ces extraits de témoignages sont issus du compte Instagram « Travail social sexiste ». Derrière ce compte créé en mai 2022 : Laure-Anna Galeandro-Diamant. Éducatrice spécialisée, elle est tombée des nues lors de sa reconversion professionnelle dans ce métier, pensant que le racisme, le sexisme et le validisme étaient inexistants là où elle mettait les pieds. « Pour moi, j’arrivais dans le monde des Bisounours, où j’allais trouver d’autres Bisounours. Mais loin de là. Ce fut même la panique à bord, la désillusion était totale. »

Déjà sensibilisée aux questions féministes, et désireuse d’échanger sur ces questionnements, la jeune femme se heurte à des formateurs, puis des collègues, pour qui les rapports de domination sont tout simplement un non-sujet. « Ils ne voyaient pas le problème. Pour eux, ça ne concernait pas le travail social. Et pour ceux qui savaient qu’il y avait un souci, le statu quo était plus confortable. »

Éviter d'imploser

De nombreuses fois, sous couvert d’humour, elle est renvoyée à son statut de femme, de stagiaire, d’étudiante. Avant même le terrain, en école de travail social, son thème de prédilection dérange. « J’avais des notes excellentes à tous les dossiers, sauf ceux où j’abordais l’impact des questions de genre sur le travail social, comme pour mon mémoire. On me disait : "Le sujet traité n’est pas en lien avec la pratique du travail social". »

Laure-Anna Galeandro-Diamant pense alors à la création de ce compte Instagram, « pour qu’on arrête de me dire que c’était dans ma tête. Ce compte a été salvateur, il m’a évité d’imploser ».

Un « déni du genre »

Dans des métiers où plus de 90 % des professionnelles sont des femmes, chacun et chacune semble ainsi être à la place que la société lui a attribuée. Les maîtresses de maison et les techniciennes de l'intervention sociale et familiale (TISF) sont des femmes, les éducateurs jouent au foot et font preuve d’autorité (quoi que cela veuille dire), les éducatrices font des câlins et la cuisine et les postes hiérarchiques sont principalement occupés par des hommes.