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Au Step de Rouen : ne jamais "lâcher" les jeunes

Longs FormatsMaïa COURTOIS04 mai 2023
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Des semaines de préparation avant une première rencontre, un lien de confiance patiemment construit… L’équipe du service de transition éducative personnalisée (Step) de Rouen, lancé il y a un an, accomplit un travail d’orfèvre. Pour les jeunes, ayant tous une ordonnance de placement non exécutée, ce suivi ouvre une sécurité au-delà des ruptures.

La silhouette longiligne de Melvin (*) apparaît sans bruit devant la portière de la voiture, garée sur le parking. Saïd Arrhouq, éducateur spécialisé, penche la tête pour le saluer, satisfait : le garçon est venu au rendez-vous. « Tu as passé une bonne journée ? Je t’ai réveillé tout à l’heure en t’appelant ? »

Un dispositif inédit

Saïd enchaîne les questions en prenant le volant. « Oui », « Non » : Melvin répond par bribes, le regard fixé sur les rues de Rouen qui défilent sous le soleil du printemps. Par moments, sa bouche esquisse de timides sourires. Melvin vient d’avoir 15 ans.

Cela fait six mois qu’il est accompagné par le service de transition éducative personnalisée (Step). Ce dispositif inédit, géré par l'établissement public Idefhi (Institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion), est déployé à Rouen depuis un an, ainsi qu'au Havre. 

Des jeunes démobilisés

Saïd Arrhouq, éducateur spécialisé au service de transition éducative personnalisée (Step) de Rouen, s'apprête à partir chercher un des jeunes suivis. Jeanne Frank/Divergence pour Le Media Social

« C’est un gamin comme on en a beaucoup : déscolarisé, avec des addictions notamment aux jeux vidéo. Des jeunes qui vivent la nuit, dorment le jour… Impossible pour eux de se mobiliser pour des apprentissages », confiait Saïd, juste avant le rendez-vous.

Récemment, l’éducateur a réussi à lui décrocher un stage en mécanique, « sa vocation », assure-t-il. « C’était pendant une semaine, raconte Melvin, soudain plus causant. On enlevait les roues, on utilisait de l’huile… J’ai bien aimé ». L’employeur « lui a dit que s’il revenait à 16 ans, il lui proposerait un contrat d’apprentissage », glisse Saïd.

« Saisir l’instant »

Saïd se gare devant une élégante bâtisse aux murs clairs, face au Jardin des Plantes de la ville. Ici se trouve le Step, accolé à une unité SMD (suivi maintien à domicile). L’équipe, composée de sept travailleurs sociaux et une psychologue, partage son temps entre les deux unités. 

Les plannings rigides ont vite été abandonnés. Côté Step, « ce sont des jeunes avec lesquels il faut saisir l’instant », aime à dire Karim Nouasri, le responsable des unités. Quand un jeune se présente à la porte, « on ne rate pas le truc. Quitte à annuler ou décaler un rendez-vous prévu côté SMD ».

Réactivité et disponibilité

La première adolescente accompagnée par l’équipe avait quitté Rouen pour Toulon, prise dans la prostitution et le trafic de drogues. « On a saisi l’instant d’une audience au pénal qu’elle avait ici, à Rouen, pour la rencontrer, se rappelle Karim. Isabelle, l’une des éducatrices, lui a écrit : "Tu remontes : nous, on est là pour t’accueillir, te soutenir". Et elle n’est jamais repartie d’ici ».

En grande partie forgée par des années d’expérience en service d’accueil d’urgence - douze ans pour Saïd, par exemple -, l’équipe est rodée à cette réactivité.

Des placements non exécutés

Ghyslaine Renault, CESF de formation, a 30 ans d’expérience au compteur. Dans son ensemble, l'équipe est très rodée. Jeanne Frank/Divergence pour Le Media Social