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Au Maroc, un second souffle pour des mineurs en difficulté

Longs FormatsRozenn LE BERRE17 novembre 2022
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Quand des adolescents en grande difficulté scolaire, familiale et sociale peinent à reprendre pied, un séjour de rupture à l’étranger peut offrir un nouveau départ. Depuis 2015, la Sauvegarde du Finistère propose des séjours de six mois au Maroc. En immersion totale.

Taroudannt se réveille sous un brouillard épais et déjà étouffant. Dans les innombrables boutiques ateliers ayant pignon sur rue et portes ouvertes, l’on commence à poncer, scier, pétrir, souder, torréfier, découper.

Au café Dubaï, Carolina* noue son tablier autour de sa taille. Dans un tout petit garage automobile sombre et saturé d’outils, Victor prend le thé avec ses collègues et les ferrailleurs voisins.

Un séjour de rupture

Amel se forme à la coiffure sous le regard d'El Habib Echchafour, son éducateur et d'un autre jeune en formation. « En France, je faisais des bêtises avec mes copines », confie-t-elle. Rozenn Le Berre

À l’école de coiffure, Amel prépare ses colorations sous l’œil attentif de son formateur, Khalid Al Mouhandiz. Et Maïwenn enfile sa blouse noire pour commencer sa journée dans la cuisine du restaurant Achkid qui est, dit-on, l’un des meilleurs de la ville.

Ces quatre adolescents sont français. Tous les quatre, anonymes dans la fourmilière quotidienne de la ville marocaine, sont ici pour un séjour de rupture.

Nouveau souffle

Ces séjours existent depuis des décennies en France et à l’international. Ils ont pour but de proposer un nouveau souffle à des jeunes aux vies tumultueuses. Chacun a ses raisons : une ultime alternative avant l’incarcération, un éloignement d’une famille toxique, un mal-être psychique qu’on ne parvient pas à guérir, des fugues à répétition de maisons d’enfants à caractère social (Mecs) et familles d’accueil.

« Parfois, les séjours de rupture interviennent aussi comme une mise à l’abri face à un réseau de prostitution ou des menaces de mort suite à une dette », précise Ghislaine Debord, responsable du dispositif d’accueil diversifié (DAD) à la Sauvegarde du Finistère.

« Incasables »

Ghislaine Debord, responsable du dispositif d’accueil diversifié (DAD) à la Sauvegarde du Finistère. Rozenn Le Berre

Ce sont ces jeunes bien connus des conseils départementaux, qui ont testé plusieurs structures et pour qui un verdict prononcé à demi-mot circule parfois dans les couloirs : « incasable ».

Dans ces situations, seule une coupure radicale semble pouvoir esquisser la solution aux problèmes. Séparer brutalement le jeune de ses fréquentations, de son environnement quotidien, de tout ce qui lui complique la vie.

« Je ne faisais plus rien »

« Moi, je ne faisais plus rien de mes journées et je ne dormais plus » explique Victor, regard espiègle sous ses mèches blondes rebelles. Il lui arrivait de passer trois nuits d’affilée sans dormir. Pourquoi ? « J’en sais rien », sourit-il.

Il n’allait plus à l’école. Il jouait à la PlayStation et « traînait ». Depuis deux mois, il a posé ses valises chez Hayat El-Mehyry et Brahim Ahdouche, une maison aux murs rouge brique à l’écart de la ville, protégée par une armée de plantes.

Une belle rencontre

Sur le canapé familial, Victor est entouré de Brahim, son père d'accueil, et de Mohamed, l'épicier du coin, cordonnier à ses heures et grand voyageur, avec lequel il a noué une belle relation. Rozenn Le Berre

Toute la journée, il se forme à la mécanique dans un garage automobile. Et le soir, conséquence d’une belle rencontre avec l’épicier du coin, cordonnier à ses heures, il fabrique des babouches en discutant d’ailleurs.

Mohamed, l’épicier-cordonnier, a beaucoup voyagé. Il a exercé de nombreux métiers. « Et il faut transmettre, dit-il avec la voix posée des grands sages, les connaissances il faut qu’elles circulent, ce n’est pas bon de les garder pour soi. »

Manger en famille