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Assistant familial, une profession en crise

Longs FormatsFlore MABILLEAU29 août 2019
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Les départements ont de plus en plus de difficultés à recruter des assistants familiaux. Ces professionnels, dont le statut devrait être réformé par le gouvernement, pointent du doigt leur précarité, le manque de reconnaissance de leur travail ainsi que des dysfonctionnements institutionnels.

Quarante, 100 et même 200 : voici le nombre d’assistants familiaux que peinent à recruter, dans l’ordre, les départements de l’Indre-et-Loire, du Loiret et du Nord. Le métier, plus connu du grand public sous le vocable de « famille d’accueil », ne semble plus aujourd’hui susciter de vocations.

Entre les départs à la retraite, les licenciements et les démissions, 27 départements, parmi les 34 ayant répondu à l’enquête de l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned), étaient déficitaires en candidats en 2015… Les besoins sont pourtant croissants : entre 2013 et 2017, les placements d’enfants et de jeunes majeurs ont augmenté de 10,4 %.

 Michelle Babin, présidente de la Fnaf.  DR

« Une grosse crise se prépare, s’alarme Michelle Babin, présidente de la Fédération nationale des assistants familiaux (Fnaf), exerçant depuis 1994. Des enfants qui devraient être placés restent d’ailleurs actuellement chez leurs parents, faute de places ! »

Parallèlement, les durées d’accueil temporaires dans les foyers de l’enfance augmentent tandis que des fratries sont amenées à être séparés. Corollaire de cette pénurie, certains professionnels se retrouvent avec plus de trois enfants - effectif réglementaire maximum, sauf dérogations - ou ont du mal à poser leurs vacances, faute de « familles relais » disponibles.

Un métier singulier 

Les assistants familiaux ou assistantes familiales - car ce sont essentiellement des femmes même si le métier se masculinise - sont recrutés pour leur très grande majorité par les départements, mais peuvent aussi exercer pour des associations de placement familial. Leur travail : héberger à leur domicile et accompagner au quotidien, pour de longues ou de courtes durées, des jeunes de 0 à 21 ans, moyennant une rémunération.

Pour faire ce métier, il faut que toute la famille soit partante 

Michelle Babin, présidente de la Fnaf

« Ce n’est pas un travail ordinaire », rappelle Sandra Onyszko, responsable communication de l’Ufnafaam, fédération nationale regroupant assistants maternels, assistants familiaux et accueillants familiaux. Dans ce métier, l’attachement, permettant à l’enfant de se construire, joue un rôle fondamental.

« Nous mettons au service d’une mission magnifique ce que l’on a de plus précieux : notre famille, notre maison, tout notre temps, 24h/24 », s’exclame Evelyne Arnaud, porte-parole du SAF Solidaires, syndicat professionnel des assistants familiaux. « Pour faire ce métier, il faut que toute la famille soit partante », rappelle Michelle Babin.

Pas de diplôme obligatoire

Conjoints et enfants sont d’ailleurs, dans la plupart des cas, auditionnés durant la procédure d’agrément. Celui-ci, instruit par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements, est obligatoire pour exercer, de même que le stage préparatoire à l’accueil du premier enfant, de 60 heures, et que la formation initiale de 240 heures, à réaliser sous trois ans après la première embauche.

Ces études sont requises, sauf validation des acquis de l’expérience (VAE), pour l’obtention du diplôme d’État d’assistant familial (DEAF). Ce diplôme, l’un des quatorze du travail social, n’est toutefois pas obligatoire pour exercer la profession… D’ailleurs, seuls 16 % des assistants familiaux en exercice dans les départements interrogés lors de l’enquête de l’Oned l’avaient obtenu.

Une profession fragilisée

Pourtant en France, contrairement aux autres pays européens, le métier s’est professionnalisé depuis 1977 avec salaires, congés payés et formation. Ce qui n’empêche pas les burn-out d’augmenter. « Je croise de plus en plus de collègues en souffrance, qui ont davantage de difficultés avec des enfants aux comportements virulents plus tôt et plus forts », constate Gabrielle Marceteau, assistante familiale en Ille-et-Vilaine.

Sandra Onyszko, responsable communication de l'Ufnafaam. DR

Les professionnels évoquent des jeunes arrivant « de plus en plus cassés », pris en charge tardivement par les structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et pour qui les suivis pédopsychiatriques se raréfient en raison de la pénurie de médecins sur ce secteur.

« Les enfants quittent leur famille de plus en plus tard avec des traumatismes lourds », appuie Sandra Onyszko. Certains peuvent présenter des troubles psychiatriques sévères pour lesquels les professionnels se sentent démunis, faute de formation adéquate.

Les enfants quittent leur famille de plus en plus tard avec des traumatismes lourds

Sandra Onyszko, Ufnafaam 

Autre source de fragilisation : l’augmentation de signalements et d’enquêtes menées pour retrait d’agrément. Les départements appliquent un principe de précaution nécessaire, justifié par des situations avérées, par le passé, de mineurs placés ayant pu être maltraités et/ou abusés sexuellement par leurs familles d’accueil.

Mais c’est « une épée de Damoclès avec laquelle on vit », explique Michelle Babin, qui dénonce « l’absence de présomption d’innocence » dans ces procédures aux conséquences psychologiques et financières lourdes.

Des rémunérations disparates

Evelyne Arnaud, porte-parole du SAF Solidaires DR