Depuis quatre ans, des femmes en grande vulnérabilité, victimes de violences, usagères de drogues ou sans abri, sont hébergées au sein d’une ancienne auberge de jeunesse de Marseille. Dans ce grand bâtiment entouré d’un jardin, une "coloc" à 70 personnes s’est mise en place, accompagnée par un consortium de 8 associations, spécialistes de différents secteurs de l’action sociale.
Le déjeuner vient de se terminer sur la terrasse de l’Auberge marseillaise. Profitant du soleil d’automne, Milena (*) et Julie (*) papotent autour d’un café. À première vue, les deux femmes, devenues amies à l’Auberge, n’ont pas grand-chose en commun. Julie, dont les bras sont ornés de tatouages, s’est longtemps droguée, a vécu à la rue, s’est prostituée pour payer ses « doses ». Milena, grande blonde au regard doux, est arménienne mais a grandi en Russie. Elle a fui Moscou avec sa fille Sevane (*) il y a sept ans pour échapper à un mari mafieux et violent.
« J’ai décidé de partir quand il a cassé le bras de ma fille. Elle était toute petite », raconte-t-elle dans un français hésitant. « Avant d’arriver à l’Auberge, tout mon temps était consacré à chercher où manger et où dormir », dit-elle pour s’excuser de ne pas avoir mieux appris la langue de son pays d’accueil. « Je changeais d’hôtel tous les six mois, il y avait toujours des punaises de lit, ou des problèmes avec les hommes ».
Une halte salutaire
Aujourd’hui, elle prend des cours de français tous les jours, c’est sa « priorité ». « Ici, tu peux te poser, t’occuper des papiers… On est en sécurité et ma fille peut inviter des copines pour son anniversaire. C’est magnifique ! » Julie, assise à ses côtés, pose des yeux tendres sur elle. « Oui, on est bien encadrées, on peut faire la cuisine nous-mêmes… C’est sûr que le collectif, au bout d’un moment, c’est fatigant ! Mais moi j’ai des bonnes voisines, j’ai de la chance », sourit-elle.
Milena est arrivée à l’Auberge il y a trois ans, Julie deux ans. Elles espèrent toutes les deux obtenir bientôt un appartement. « Ce qu’il manque ici, c’est une chambre pour ma fille », pointe Milena, qui partage sa chambre avec son enfant, comme toutes les résidentes. Mais pour ces deux femmes, comme pour une trentaine d’autres – et autant d’enfants –, l’Auberge marseillaise offre une halte salutaire pour tenter de se remettre d’aplomb, dans un parcours de vie particulièrement douloureux.
Partager les risques
L’idée de ce refuge pour femmes original a germé en 2020, après le premier confinement. Les associations Justice et union pour la transformation sociale (Just), Nouvelle Aube et Yes We Camp avaient investi ensemble pendant deux mois un « Village Vacances Soleil » du quartier de la Belle-de-Mai, à Marseille, pour y héberger les plus précaires parmi les précaires.
